Paludisme, cécité des rivières ou éléphantiasis: le Nobel de médecine a mis cette année à l’honneur une discipline négligée, la lutte contre les parasites, alors que ces maladies affectent des millions de personnes dans le monde.
Les trois chercheurs récompensés, Tu Youyou, William Campbell et Satoshi Omura, ont mis au point deux traitements remarquablement efficaces pour les combattre, même si des questions se posent aujourd’hui sur une baisse d’efficacité du médicament contre le paludisme (artémisinine).
Qu’est ce que le paludisme ?
Le paludisme est provoqué par un parasite Plasmodium, transmis par des moustiques. Cette maladie touche environ 200 millions de personnes dans le monde et en tue 600 000 chaque année, en particulier en Afrique subsaharienne, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Comment l’artémisinine a-t-elle révolutionné le traitement du paludisme ?
L’artémisinine est tirée d’une plante chinoise, l’armoise annuelle. La chercheuse chinoise primée par le Nobel Tu Youyou est parvenue dans les années 70 à extraire un principe actif de cette plante qui s’est avéré très efficace contre le plasmodium falciparum (type de paludisme le plus fréquent et le plus dangereux).
« L’artémisinine a permis de répondre à des problèmes de résistance apparues en Afrique et en Asie » après des décennies d’utilisation massive d’antipaludéens classiques, essentiellement la chloroquine et l’amodiaquine, explique le spécialiste des parasites Mohamed-Ali Hakimi (Inserm – Institut Albert Bonniot, Grenoble).
Associée à d’autres antipaludéens, l’artémisinine est depuis les années 90 le traitement de référence et a permis de sauver des millions de vies.
Ce médicament est-il toujours aussi efficace ?
Depuis quelques années, l’artémisinine a vu son efficacité diminuer en raison de l’émergence d’une certaine forme de résistance en Asie du Sud-Est. Cette moindre efficacité ne touche pas l’Afrique pour l’instant.
Les chercheurs se penchent désormais sur d’autres pistes, comme celles consistant à bloquer la transmission du parasite par le biais de vaccins et d’autres médicaments, selon le spécialiste du paludisme Pierre Buffet (Inserm).
Qu’est-ce que la cécité des rivières ou onchocercose ?
L’onchocercose est une maladie des yeux et de la peau causée par un ver filaire, l’Onchocerca volvulus, transmise aux humains par une mouche qui se reproduit dans les cours d’eau des zones tropicales (d’où le nom de la maladie). La maladie sévit essentiellement en Afrique. Dans le corps humain, les larves du ver provoquent des lésions au niveau de la peau et des yeux, jusqu’à entraîner la cécité.
On estime à un demi-million le nombre de personnes aveugles dans le monde actuellement à cause de cette maladie (OMS).
Qu’est-ce que l’éléphantiasis ou filariose lymphatique ?
La filariose lymphatique ou éléphantiasis est une maladie tropicale causée par des parasites filaires transmis à l’homme par des moustiques. Généralement contractée dans l’enfance, l’infection provoque des lésions du système lymphatique et une augmentation anormale du volume de certaines parties du corps.
Plus de 120 millions de personnes sont infectées dont 40 millions handicapées par des difformités, essentiellement dans les pays pauvres d’Afrique et d’Asie.
En quoi le traitement par ivermectine a-t-il changé la donne ?
Mis au point par William Campbell et Satoshi Omura, l’ivermectine, seule ou en association, est devenue le traitement standard contre nombre de parasitoses, en particulier la filariose lymphatique, l’onchocercose et la gale.
Avant l’apparition de ce produit, « on avait des médicaments peu efficaces et mal tolérés », témoigne le Pr Patrice Bourée, spécialiste des parasites à l’Hôpital de Bicêtre, près de Paris. Il fallait un produit pour traiter chacun des vers parasites. Aujourd’hui, l’ivermectine « tue à la fois les vers intestinaux, les vers filaires et les parasites externes », explique-t-il.
Selon ce spécialiste, il était important d’attribuer le Nobel à la médecine des parasites, une discipline « délaissée » qui reste « mal connue alors qu’elle touche des millions de personnes ». Un avis partagé par l’ONG Médecins sans Frontières (MSF) qui qualifie ce choix de « génial ».
AFP / S.A.