Quatre jours après le pire drame migratoire survenu dans la Manche, une réunion européenne d’urgence a débuté dimanche à Calais, avec pour objectif de renforcer la lutte « contre les réseaux de passeurs », mais sans les Britanniques, exclus de la rencontre par la France.
« Le point le plus important de cette réunion est la lutte contre les passeurs qui se jouent de nos frontières et pays », a déclaré le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin, en ouvrant cette rencontre. « Le problème est européen et britannique. Le phénomène ne cesse de s’accroître, y compris depuis le Brexit », a-t-il ajouté, devant les ministres en charge de l’immigration allemand, néerlandais, belge qu’il avait réunis à la mairie de Calais. La Commissaire européenne aux Affaires intérieures, Yvla Johansson, et les dirigeants d’Europol et de Frontex étaient également présents.
La rencontre se déroule sans la partie britannique : Gérald Darmanin a désinvité son homologue Priti Patel, vendredi, en riposte à une lettre publiée jeudi soir sur Twitter par Boris Johnson, demandant à Paris de reprendre les migrants arrivant en Grande-Bretagne depuis la France. La lettre évoquait également des patrouilles policières conjointes sur la côte nord de la France. « C’est exactement le genre de choses que nous devons faire », a insisté dimanche le ministre britannique à la Santé, Sajid Javid, sur Sky News. « Notre politique est très claire : ces bateaux doivent s’arrêter. Nous ne pouvons pas le faire seuls. Nous avons besoin de la coopération des Français », a plaidé Sajid Javid.
« Un appel clair à coopérer »
Le naufrage, qui a coûté la vie à au moins 27 personnes mercredi, est le pire drame migratoire dans la Manche, désormais sillonnée quotidiennement à bord de fragiles embarcations par des migrants tentant de rallier les côtes anglaises. Ces traversées se sont développées depuis 2018 face au bouclage du port de Calais et d’Eurotunnel, que les migrants empruntaient en se cachant dans des véhicules.
La ministre britannique de l’Intérieur Priti Patel a annoncé dans un tweet qu’elle aurait « des entretiens urgents avec (ses) homologues européens » la semaine prochaine, « pour éviter de nouvelles tragédies dans la Manche ». « La mort de ces 27 personnes doit être un appel clair à coopérer », a-t-elle dit dans une tribune publiée dans le tabloïd The Sun. Selon la ministre, le travail conjoint de Londres et Paris « a permis d’éviter plus de 20 000 traversées cette année » et de procéder « à plus de 400 arrestations » depuis 2020. « Mais nous pouvons en faire beaucoup plus », a-t-elle affirmé, appelant à davantage d’actions « efficaces et coordonnées des deux côtés de la Manche ».
Samedi, le vice-président de la Commission européenne Margaritis Schinas avait estimé qu’il revenait à la Grande-Bretagne de résoudre ses problèmes relatifs à l’afflux des migrants. Le Royaume-Uni « a quitté l’Union européenne », en conséquence il « doit à présent décider comment organiser la gestion du contrôle de ses frontières », avait-il affirmé.
Le pape dénonce une « instrumentalisation » des migrants
À plusieurs centaines de mètres de l’hôtel de ville de Calais, une quarantaine de manifestants scandaient « Darmanin, assassin, t’as du sang sur les mains », encadrés par un important dispositif policier. « Cette frontière tue depuis trop longtemps », « ouvrons les frontières », pouvait-on lire sur leurs banderoles.
L’enquête sur le naufrage est menée à la Juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée à Paris. Mais rien n’a encore filtré, ni sur la nationalité des victimes ni sur les causes du drame. Une jeune Kurde irakienne partie rejoindre son fiancé figurerait parmi les victimes, d’après sa famille. Selon les sauveteurs, les naufragés s’entassaient à bord d’un bateau pneumatique à fond souple d’une dizaine de mètres. Seuls un Irakien et un Somalien ont été sauvés.
Avant la réunion de Calais, Royaume-Uni et France ont été très critiqués pour s’être querellés au lieu de travailler ensemble. « Les deux pays jouent à se rejeter la faute pendant que les enfants se noient dans notre Manche, » a déclaré à Sky News la porte-parole des affaires étrangères du parti travailliste de l’opposition britannique, Lisa Nandy. De nombreuses ONG ont plaidé pour une politique d’asile moins dure et la mise en place de routes « sûres ». Le pape François a exprimé dimanche sa « douleur » pour les migrants morts dans la Manche, ceux bloqués à la frontière bélarusse et ceux qui meurent en Méditerranée. Il a lancé un nouvel appel « en particulier aux autorités civiles et militaires, afin que la compréhension et le dialogue prévalent finalement sur tout type d’instrumentalisation ».
LQ/AFP