Le procès très attendu du policier accusé du meurtre de George Floyd a débuté mardi par la sélection des jurés, neuf mois après le drame qui a rouvert les plaies raciales aux États-Unis.
Le tribunal de Minneapolis, dans le nord du pays, a entamé cette procédure délicate avec un jour de retard en raison d’incertitudes sur les charges pesant sur Derek Chauvin.
Le 25 mai, ce policier blanc est resté agenouillé pendant près de neuf minutes sur le cou du quadragénaire noir. La vidéo de la scène, devenue virale, a déclenché des manifestations géantes contre le racisme et les violences policières dans le monde entier.
Licencié sur le champ, arrêté quelques jours plus tard, il comparaît libre après avoir été remis en liberté à l’automne contre le versement d’une caution d’un million de dollars.
En costume gris et chemise bleue, Derek Chauvin était présent au tribunal mardi, séparé de son avocat par une paroi en plexiglas. Armé d’un carnet, il prenait consciencieusement des notes.
« C’était à la télé tous les jours »
Pour l’instant, cet homme de 44 ans, dont 19 au service de la police de Minneapolis, est inculpé de meurtre et d’homicide involontaire.
Un troisième chef, proche de « violences volontaires ayant entraîné la mort », fait l’objet d’un ultime recours. L’accusation avait craint, lundi, qu’entamer le procès tant que la question reste en suspens, ne mette toute la procédure en péril.
Le juge Peter Cahill a toutefois jugé mardi qu’il était temps de donner le coup d’envoi du procès, qui a débuté par l’interrogatoire d’une poignée de jurés potentiels.
En raison des pressions qui pèsent sur eux, leurs noms sont couverts par le secret et les caméras qui filment les audiences doivent les garder hors-champ.
La première personne interrogée était une femme, d’origine étrangère, qui a reconnu avoir entendu parler de l’affaire. George Floyd a répété « je ne peux pas respirer » et le policier a gardé son genou sur le cou, a-t-elle rappelé. « C’était à la télé tous les jours ».
La sélection des jurés, délicate tant l’affaire suscite de passions, doit durer trois semaines.
L’accusation et la défense chercheront à identifier « les dangers potentiels pour leur cause » afin de les écarter, résume Steve Tuller, un consultant spécialisé dans cet exercice.
Elles en profiteront, selon lui, pour tester leurs arguments avant l’ouverture des débats de fond, prévue le 29 mars.
« Forte controverse »
Dès lundi, Eric Nelson, l’avocat de Derek Chauvin, a donné le ton de sa défense. « La cause de la mort de George Floyd est l’objet d’une forte controverse », a-t-il assuré. Il compte plaider que l’Afro-Américain est mort d’une overdose au fentanyl.
L’autopsie a montré qu’il avait consommé cet opiacé de synthèse, mais identifié la « compression de son cou » comme cause de la mort.
L’accusation soutiendra que Derek Chauvin a fait un usage excessif de la force en connaissance de cause. Dans des documents judiciaires, elle a notamment souligné qu’il avait maintenu son genou sur le cou du quadragénaire, même une fois celui-ci inconscient et son pouls indétectable.
Le 25 mai, il était intervenu avec trois collègues afin d’arrêter George Floyd, soupçonné d’avoir utilisé un faux billet de vingt dollars pour s’acheter un paquet de cigarettes.
Devant des passants effarés, le policier avait maintenu son genou sur le cou du quadragénaire noir, menotté et plaqué au sol, malgré ses supplications.
Alertés par une vidéo du drame, des foules sont descendues dans les rues, de Miami à Los Angeles, mais aussi à Londres, Paris ou Sydney pour réclamer justice.
La mobilisation, qui a ouvert un débat de fond aux États-Unis sur les méthodes de la police et le passé raciste du pays, s’est tassée à l’automne. Mais à l’approche du procès, elle a repris à Minneapolis.
Pour parer à d’éventuels débordements, la ville, secouée par de violentes émeutes à la fin mai, a mobilisé des milliers de policiers et de soldats de la garde nationale, et érigé des clôtures en béton et barbelés autour du tribunal.
Les autorités se tiennent prêtes pour le verdict, qui ne devrait pas être rendu avant fin avril.
Les trois autres policiers impliqués dans le drame, Alexander Kueng, Thomas Lane et Tou Thao, seront pour leur part jugés ensemble en août pour « complicité de meurtre ».
AFP/LQ