Milo Djukanovic va devoir trouver des alliés pour poursuivre son long bail comme Premier ministre du Monténégro, au terme de législatives marquées dimanche par un mystérieux complot et qui posent des questions sur la stabilité politique du pays.
Vingt Serbes étaient toujours détenus lundi matin, interpellés dans la nuit précédent le scrutin. Leur chef serait Bratislav Dikic, un général de la gendarmerie en retraite, adversaire résolu de la présence de l’Otan dans les Balkans.
Le Monténégro entend intégrer l’Alliance atlantique malgré l’opposition farouche d’une large partie de l’opinion de cette petite nation de 640.000 habitants majoritairement orthodoxes.
À en croire les autorités monténégrines, ils auraient planifié un complot aux forts airs de coup d’Etat : en attaquant la foule attendant les résultats, en prenant le contrôle du Parlement, en s’emparant de Milo Djukanovic et en proclamant la victoire de partis d’opposition qui n’ont pas été précisés.
Milo Djukanovic, qui dirige depuis 1991 son pays qu’il a conduit à l’indépendance de la Serbie en 2006, n’a pas eu un mot sur un tel plan, que ce soit en votant dimanche ou en vantant dans la nuit « l’ampleur de la victoire » de son parti démocrate des socialistes (DPS).
« Personnellement je n’y crois pas », a de son côté commenté le Premier ministre serbe Aleksandar Vucic.
Belgrade entretient des relations en dents de scie avec son petit voisin depuis que celui-ci a reconnu l’indépendance du Kosovo en 2008. L’adhésion à l’Otan est une autre pomme de discorde avec Belgrade, allié traditionnel de Moscou. Si le Monténégro adhérait à l’Otan, tous les voisins de la Serbie, à l’exception de la Macédoine, seraient membres de l’Alliance qui contrôlerait toutes les côtes des Balkans.
Avec plus de 40% des suffrages selon des résultats quasi définitifs, la formation de Milo Djukanovic arrive largement devant son premier adversaire, le Front démocratique (FD) prorusse (environ 20%). Milo Djukanovic, 54 ans, va partir en quête d’une fragile majorité absolue avec les députés que devraient remporter les minorités croate, bosniaque et albanaise.
« Nous avons devant nous une longue période de pourparlers pour bâtir une nouvelle majorité, car les partis des minorités n’ont pas confirmé leur soutien à Djukanovic. Nous aurons une période d’instabilité, car une majorité de 41 sièges (sur 81) n’est pas garante de stabilité », a déclaré Srdjan Vukadinovic, analyste politique.
Les 36 sièges promis au PDS ne lui permettront pas de gouverner seul ni d’imposer sans soutien l’adhésion à l’Otan. Théoriquement, en s’unissant, les trois principaux partis d’opposition feraient jeu égal avec lui. Avec les sociaux-démocrates du SDP, ex-partenaire de Djukanovic mais qui dénoncent la corruption dans le pays, ils frôleraient même la majorité avec 40 sièges.
« Il est nécessaire de compter toutes les voix, mais à ce stade nous pouvons dire que l’opposition a la majorité », s’est félicité dans la nuit Andrija Mandic du Front démocratique.
Mais ces partis sont surtout unis par leur rejet de Milo Djukanovic, le plus ancien chef de gouvernement en activité en Europe. Quand le Front démocratique ajoute à son hostilité pour l’Otan le refus des négociations d’adhésion à l’Union européenne entamées en 2012, les mouvements Kljuc (La clé) et Demokrate (Les démocrates) sont pro-européens.
La nuit de dimanche à lundi a été calme, juste déchirée par les klaxons des partisans de Milo Djukanovic après sa déclaration de victoire dans laquelle il répétait sa détermination à « ratifier le protocole d’adhésion à l’Otan » et à « intensifier les négociations » avec l’UE.
Les observateurs internationaux doivent donner une conférence de presse dans l’après-midi après un scrutin marqué par une forte participation (plus de 72%).
Nedjeljko Rudovic, un responsable de Kljuc, a dénoncé « une atmosphère de coup d’Etat », qui aurait « influencé la libre expression de l’opinion des Monténégrins ».
« Ces élections annoncées comme libres et démocratique se sont transformées en leur contraire », a dénoncé Andrija Mandic, dont le parti n’a pour le moment pas appelé ses partisans à descendre dans la rue. En 2015, des manifestations anti-Otan à Podgorica, avaient été marquées par des violences.
Le Quotidien / AFP