C’est une première en près de 60 ans: la reine Elizabeth II ne prononcera pas le traditionnel discours du trône au Parlement britannique mardi, en raison de ses difficultés à se déplacer, se faisant remplacer par le prince Charles.
La monarque âgée de 96 ans n’avait auparavant manqué que deux fois au cours de ses 70 ans de règne ce rendez-vous solennel de la démocratie britannique, où elle énonce le programme du gouvernement lors d’une cérémonie en grande pompe. Elle en avait été absente en 1959 et 1963, quand elle était enceinte.
C’est aussi la première fois qu’elle s’y fait remplacer par le prince de Galles, héritier de la couronne, un signe du transfert progressif de ses tâches à son fils aîné qui la représente déjà à l’étranger depuis plusieurs années. « La reine continue d’avoir des problèmes de mobilité épisodiques et, après consultation avec ses médecins, a décidé à contrecoeur de ne pas participer au discours du trône », a indiqué le palais de Buckingham dans un communiqué lundi soir.
« A la demande de Sa Majesté et avec l’accord des autorités compétentes, le prince de Galles lira le discours du trône en son nom, avec le duc de Cambridge (le prince William, petit-fils de la reine, deuxième dans l’ordre de succession au trône) également présent », a précisé le palais. Détail important: le prince Charles, 73 ans, ne prendra pas place sur le trône, qui restera vide. Il s’assiéra à sa place habituelle.
Signe, pour le Daily Mail que la reine « est toujours vraiment aux commandes ». « Mais ne vous y trompez pas, c’est un moment historique pour la Couronne », a commenté le journal. La reine avait déjà renoncé ces dernières années à porter sa lourde couronne pour cette cérémonie très codifiée qui doit commencer à 10h30 GMT.
Son absence mardi relance les interrogations sur sa participation début juin aux célébrations du jubilé de platine, marquant ses 70 ans de règne. « Espérons qu’elle puisse bénéficier du repos nécessaire à temps pour le jubilé de platine parce qu’on ne peut pas la remplacer au balcon du palais appréciant les festivités avec des millions de Britanniques », a souligné le correspondant royal du Sun.
« Super » lois post-Brexit
Sur le plan politique, ce discours représente l’opportunité pour Boris Johnson de se relancer, quelques jours après de lourds revers aux élections locales, où son parti a perdu quelque 500 sièges. Le Premier ministre espère montrer qu’il se préoccupe de la chute du pouvoir d’achat et faire oublier les scandales.
Arrivé triomphalement au pouvoir en juillet 2019, le dirigeant conservateur a vu sa popularité chuter ces derniers mois, sur fond de crise du pouvoir d’achat, critiques sur sa gestion de la pandémie et scandale du « partygate » qui lui a valu une amende, une première pour un chef de gouvernement en exercice.
Le chef de l’opposition travailliste Keir Starmer, lui aussi critiqué pour avoir partagé bières et curry avec une équipe de son parti l’an dernier, a ajouté de la pression sur les épaules de Boris Johnson en s’engageant lundi à démissionner s’il reçoit, comme le Premier ministre, une amende pour avoir enfreint les règles anti-Covid.
S’il a réussi à sauver son poste pour l’instant dans le contexte de la guerre en Ukraine, le bouillonnant dirigeant âgé de 57 ans va tâcher de reconquérir des électeurs déçus pour les deux ans qu’il lui reste avant les prochaines législatives. Son discours présentera 38 projets de lois.
L’un d’eux, sur l’ordre public, est destiné à empêcher les « techniques de guérilla » de groupes comme Extinction Rebellion, honnis de sa base, qui ont manifesté en bloquant des routes ou des transports publics « nuisant aux gens qui travaillent dur, coûtant des millions d’argent public aux contribuables et mettant des vies en danger ».
Face à une économie blessée par des années de pandémie et une inflation attendue à plus de 10% dans les mois à venir, Boris Johnson s’est engagé à « remettre le pays sur les rails » et « créer des emplois hautement qualifiés et bien rémunérés qui stimuleront la croissance économique dans tout le Royaume-Uni ».
Il compte aussi annoncer des textes de lois destinés à alléger les lourdeurs administratives après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, devenue pleinement effective le 31 janvier 2020. Pour pouvoir expulser plus facilement les criminels étrangers, le gouvernement a aussi dit ces derniers mois vouloir modifier la législation relative aux droits de l’homme qui avait intégré la Convention européenne des droits de l’homme dans le droit national.