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Migrants : les Européens divisés sur le financement de clôtures


La Pologne, qui a mis en place des barbelés le long de sa frontière, prévoit de construire un mur sur plus de 100 km. (photo AFP)

L’UE doit-elle financer des clôtures à ses frontières pour empêcher l’arrivée des migrants qui transitent par la Biélorussie ? Le président du Conseil Charles Michel a envisagé mercredi cette possibilité réclamée par certains États membres, mais que rejette la Commission.

Alors que la Biélorussie est accusée par l’UE d’orchestrer un afflux de migrants, dont plus de 2 000 sont bloqués à la frontière avec la Pologne, Charles Michel a indiqué qu’il était « juridiquement possible » que l’Union finance de telles infrastructures, lors d’une conférence de presse au côté du Premier ministre Mateusz Morawiecki à Varsovie.

Il a rappelé que cette question avait été abordée lors du dernier sommet européen, le 22 octobre à Bruxelles. « Il faudra clarifier la capacité pour l’Union européenne de faire preuve de solidarité ou pas vis-à-vis des pays qui sont en première ligne », a-t-il dit. « Selon le service juridique du Conseil – représentant les Vingt-Sept -, il est juridiquement possible de financer au niveau européen ces infrastructures », a-t-il ajouté, précisant que cette décision devrait être prise par la Commission européenne.

La Pologne, qui a mis en place des barbelés le long de sa frontière, prévoit de construire un mur sur plus de 100 km, dont le coût est évalué à 353 millions d’euros. La Lituanie a de son côté commencé à ériger une clôture en fer qui doit s’étendre sur 300 km.

« Décision dès que possible »

Charles Michel a souligné que la Lituanie avait « 600-700 km de frontière avec la Biélorussie ». « Nous faisons face à une situation totalement nouvelle », a-t-il plaidé, dénonçant à nouveau une « attaque hybride » du régime du président Loukachenko. « Est-ce qu’il est possible pour l’UE de montrer notre solidarité en les aidant à protéger leurs frontières nationales qui sont aussi les frontières européennes ? », a-t-il lancé.

« J’espère qu’il sera possible de prendre une décision dès que possible sur ce sujet important », a-t-il ajouté, alors qu’un sommet par visioconférence consacré à cette crise pourrait être convoqué prochainement, selon une source européenne. Les ministres de l’Intérieur de douze pays (Autriche, Bulgarie, Chypre, Danemark, Estonie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Pologne et République tchèque, Slovaquie) avaient écrit en octobre à la Commission pour demander à l’UE de financer la construction de telles clôtures. Mais la présidente de l’exécutif européen Ursula von der Leyen avait opposé une fin de non recevoir à l’issue du dernier sommet. « Il y a une position commune de longue date de la Commission et du Parlement européen (sur le fait) qu’il n’y aura pas de financement de barbelés et de murs », avait-elle déclaré.

La Hongrie avait érigé ce type de clôture à la frontière avec la Serbie et la Croatie – pays membre de l’UE mais qui n’est pas dans l’espace Schengen – lors de la crise migratoire de 2015. La Slovénie a fait de même avec la Croatie.

« Passion des murs »

Le secrétaire d’État français aux Affaires européennes Clément Beaune a épinglé sur Twitter « la passion des murs » qui « revient sur notre continent », rappelant que le 9 novembre était l’anniversaire de la chute du Mur de Berlin.

Interrogé lors d’un point de presse, un porte-parole de la Commission a réitéré la position d’Ursula von der Leyen, tout en soulignant que l’UE consacrait des « financements très substantiels » à la gestion des frontières, qui se sont élevés entre 2014 et 2020 à 1,6 milliard d’euros. Ces fonds servent à l’acquisition de systèmes de surveillance modernes, de véhicules et de drones notamment, a-t-il précisé, assurant que la Commission savait exactement comment cet argent européen était utilisé.

La question de ce financement divise aussi au Parlement, où le chef du groupe PPE (droite), première force politique, l’Allemand Manfred Weber, s’y est déclaré favorable. « Il y a une guerre hybride en cours, nous ne devons pas être naïfs. La Lituanie, la Lettonie et les autres méritent tout notre soutien notamment des fonds pour une barrière physique si besoin », avait-il tweeté fin octobre. À l’inverse, les Socialistes & Démocrates (S&D) s’y opposent. « Nous le disons haut et fort : l’UE ne financera jamais de mur », a tweeté le groupe. « Nous avons d’autres instruments pour arrêter le drame à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie », a déclaré la présidente de ce groupe, l’Espagnole Iratxe Garcia, devant l’hémicycle, appelant à l’adoption « sans délai » de nouvelles sanctions à l’encontre du régime biélorusse.

LQ/AFP