Onze personnes sont mortes et des dizaines portées disparues dans le naufrage de deux embarcations de migrants en Méditerranée au large des côtes italiennes, l’une venant de Turquie, l’autre d’Afrique du Nord, ont affirmé lundi une ONG, les gardes-côtes et des médias.
L’ONG allemande ResQship a rapporté sur X que son navire-humanitaire Nadir avait secouru, entre les côtes libyennes et l’île italienne de Lampedusa, 51 personnes en perdition « sur un bateau en bois rempli d’eau », dans lequel se trouvaient les corps de dix autres migrants.
« Notre équipe a pu évacuer 51 personnes, dont deux étaient inconscientes – il a fallu les libérer à coups de hache », a indiqué l’ONG. « Les personnes inconscientes reçoivent actuellement des soins médicaux et attendent une évacuation urgente ».
🔴(2/2) The unconscious are currently receiving medical attention and await a critically needed emergency evacuation. The 10 dead are in the flooded lower deck of the boat.
Our thoughts are with their families. We are angry and sad. #FortressEurope kills. pic.twitter.com/o9y1gihfhs
— RESQSHIP (@resqship_int) June 17, 2024
Par ailleurs, les gardes-côtes italiens ont annoncé avoir récupéré 12 personnes sur un voilier à la dérive au large de la Calabre (sud), près de la ligne de partage entre les eaux italiennes et grecques.
Un passager est décédé au cours des opérations de sauvetage.
Selon l’agence ANSA, une cinquantaine de passagers sont portés disparus.
Route migratoire meurtrière
Les gardes-côtes précisent que le voilier était probablement parti de Turquie. L’alarme a été donnée par des plaisanciers français qui ont récupéré les naufragés à bord de leur bateau à environ 120 miles nautiques de la côte.
Les migrants ont ensuite été recueillis à bord d’un navire de commerce dérouté, puis sur une vedette des gardes-côtes qui les a conduits au port de Roccella Jonica.
Les recherches se poursuivent lundi avec des moyens maritimes et aériens des gardes-côtes et de Frontex, ajoute un communiqué des gardes-côtes, sans préciser le nombre de personnes présumées disparues.
L’an dernier, 3 155 migrants sont morts ou ont disparu en Méditerranée – contre 2 411 officiellement recensés par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) l’année précédente.
La Méditerranée centrale, une des routes migratoires les plus meurtrières au monde, représente à elle seule 80 % des morts et disparitions en Méditerranée l’an dernier. Elle est très utilisée par les migrants cherchant à entrer dans l’Union européenne pour fuir des conflits ou la pauvreté au départ de la Tunisie de la Libye.
Depuis son arrivée au pouvoir fin 2022, le gouvernement ultraconservateur de Giorgia Meloni en Italie s’est engagé à réduire les arrivées de migrants depuis l’Afrique du Nord sur les côtes de la péninsule.
Rome estime que la présence des ONG de secours en mer encourage les migrants à tenter la traversée. Les ONG rejettent cet argument et rappellent qu’elles représentent moins de 10 % des migrants récupérés en Méditerranée.
Une « Europe forteresse »
Un décret les oblige néanmoins à faire route « sans délai » vers un port aussitôt un sauvetage achevé, les empêchant d’en effectuer plusieurs d’affilée. Or les ONG estiment que ce décret enfreint le droit maritime qui oblige tout navire à porter secours à un bateau en détresse.
Cette contradiction les place face à un dilemme. Car en désobéissant, elles encourent une amende de 2 000 à 10 000 euros – à ce jour, 21 amendes ont été infligées à dix navires d’ONG – une détention administrative de 20 jours et, à terme, la saisie définitive du navire.
Selon les chiffres du ministère italien de l’Intérieur, les arrivées par la mer ont considérablement baissé depuis le début de l’année : 23 725 personnes sont arrivées en Italie entre le 1ᵉʳ janvier et le 17 juin, contre 53 902 lors de la même période de 2023.
Mais les flux d’arrivées se sont en grande partie déplacés vers l’Espagne et la Grèce. La Tunisie et la Libye ont durci leurs contrôles et les conditions météo jouent aussi un rôle crucial.
« Les gens continuent à passer » parce qu’ils « changent de route et s’adaptent aux obstacles », expliquait en mai Daniel Auerbacher, chef des opérations de l’ONG SOS Méditerranée.
Et pour les ONG, le voyage est d’autant plus périlleux que les navires-humanitaires sont empêchés de retourner rapidement en mer.
« L’Europe forteresse tue », a dénoncé lundi ResQship.