Un tribunal de Ryad a annulé lundi les peines capitales prononcées pour le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, dans un verdict final aussitôt qualifié de « parodie de justice » et « farce » par une experte de l’ONU et la fiancée de cet ancien critique du pouvoir saoudien.
« Cinq prévenus ont été condamnés à 20 ans de prison et trois autres à des peines allant de 7 à 10 ans », a indiqué l’agence officielle saoudienne SPA, citant les services du procureur général.
« Le procureur saoudien a joué un nouvel acte dans cette parodie de justice », a réagi sur Twitter la rapporteure spéciale de l’ONU sur les exécutions sommaires, Agnès Callamard, selon qui « ces verdicts n’ont aucune légitimité juridique ou morale ».
La fiancée turque de Jamal Khashoggi, Hatice Cengiz, les a pour sa part qualifiés de « farce ».
« Les autorités saoudiennes ont clos ce dossier sans que le monde sache la vérité sur qui est responsable du meurtre de Jamal », a-t-elle ajouté.
Depuis le début de la procédure judiciaire en Arabie saoudite, il n’y a eu « que des tentatives répétées de dissimulation », a également déclaré à l’AFP Ines Osman, directrice de MENA, une ONG de défense des droits humains basée à Genève.
Le verdict intervient après que les fils de Jamal Khashoggi ont annoncé en mai « avoir pardonné » ses tueurs. Par le passé, son fils ainé Salah Khashoggi avait assuré avoir « pleinement confiance » dans le système judiciaire saoudien.
En avril 2019, le Washington Post avait de son côté assuré que les quatre enfants du journaliste assassiné, y compris Salah, avaient reçu des maisons d’une valeur de plusieurs millions de dollars et étaient payés des milliers de dollars par mois par les autorités. La famille avait alors démenti.
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Collaborateur du Washington Post et critique du régime saoudien après en avoir été proche, Jamal Khashoggi a été assassiné et son corps découpé en morceaux en octobre 2018 dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, où il s’était rendu pour récupérer un document.
Il était alors âgé de 59 ans et ses restes n’ont jamais été retrouvés.
Ce meurtre a plongé l’Arabie saoudite dans l’une de ses pires crises diplomatiques et terni l’image du prince héritier Mohammed ben Salmane, dit « MBS », désigné par des responsables turcs et américains comme le commanditaire du meurtre.
Après avoir nié l’assassinat, puis avancé plusieurs versions, Ryad a affirmé qu’il avait été commis par des agents saoudiens qui auraient agi seuls et sans recevoir d’ordres de leurs dirigeants.
Le procureur saoudien a innocenté le prince héritier. Ce dernier a déclaré à la télévision américaine PBS qu’il acceptait la responsabilité du meurtre, parce qu’il s’est produit « sous son règne » tout en niant en avoir eu connaissance auparavant.
La CIA américaine aurait également conclu que le prince, qui contrôle tous les leviers du pouvoir, a probablement ordonné le meurtre.
La justice saoudienne s’était elle-même saisie de l’affaire et, à l’issue d’un procès opaque, cinq Saoudiens avaient été condamnés à mort et trois autres à des peines de prison, sur un total de 11 personnes inculpées. Les trois autres avaient été « blanchies ».
Ce verdict, prononcé en décembre dernier, avait été critiqué par les organisations internationales de défense des droits humains.
« Fin »
Les personnes condamnées lundi n’ont pas été identifiées.
Les services du procureur général ont en revanche tenu à souligner que ce nouveau jugement mettait « fin » à l’affaire du meurtre de Jamal Khashoggi, marquant la volonté de Ryad de tourner définitivement la page.
La justice turque a pour sa part commencé début juillet à juger par contumace 20 Saoudiens, dont deux proches du prince héritier, l’ex-conseiller Saoud al-Qahtani et l’ancien numéro deux du renseignement, le général Ahmed al-Assiri, identifiés comme les commanditaires du meurtre.
Le premier a fait l’objet d’une enquête en Arabie saoudite mais n’a pas été inculpé « en raison de preuves insuffisantes » et le second, mis en accusation, a été acquitté pour les mêmes motifs, selon le parquet saoudien.
Les deux hommes ont été officiellement évincés du cercle politique du prince hériter.
AFP