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Meurtre d’Anna Politkovskaïa, condamnation des Pussy Riot : la CEDH épingle Moscou


Mobilisation le 7 octobre 2010 lors de l'assassinat de la journaliste Anna Politkovskaïa. (photo AFP)

La Cour européenne des droits de l’Homme a doublement condamné mardi la Russie qui n’a fait « aucun effort » pour identifier les commanditaires du meurtre de la journaliste Anna Politkovskaïa, et pour de « multiples violations » à l’encontre des Pussy Riot.

Hasard du calendrier, la famille de la journaliste assassinée en 2006 et trois membres du groupe punk féministe condamnées en 2012 ont décroché le même jour une victoire judiciaire hautement symbolique devant la CEDH, en obtenant la condamnation de Moscou.

Dans un premier arrêt, la CEDH saisie par la famille d’Anna Politkovskaïa, a condamné la Russie pour n’avoir pas « mis en oeuvre les mesures d’enquête appropriées pour identifier le ou les commanditaires du meurtre » de la journaliste russe.

Dans un communiqué, la juridiction européenne souligne que « l’État (russe) a manqué aux obligations relatives à l’effectivité et à la durée de l’enquête qui lui incombaient en vertu de la Convention » européenne des droits de l’homme de 1950. Par cinq voix contre deux, celles des juges russe et slovaque, la Cour a condamné Moscou pour violation du « droit à la vie ».

« L’enquête a abouti à des résultats tangibles puisque cinq hommes ont été reconnus directement coupables du meurtre » mais « dans un homicide de ce type, on ne peut toutefois pas considérer que l’enquête a été appropriée si aucun effort n’a été fait pour identifier le commanditaire du meurtre », souligne la Cour.

Les commanditaires n’ont pas encore été identifiés 

Journaliste d’investigation connue, Anna Politkovskaïa avait notamment enquêté sur des allégations de violations des droits de l’homme en Tchétchénie. Elle avait aussi plusieurs fois critiqué la politique du président Vladimir Poutine.

Plus de dix ans après cet assassinat qui avait ému le monde entier, les commanditaires n’ont toujours pas été identifiés par la justice russe. « Les autorités ont élaboré une théorie quant à l’instigateur de l’homicide, orientant leur enquête sur un homme d’affaires russe (…) désormais décédé, mais elles n’ont pas précisé les moyens mis en oeuvre pour suivre cette piste », poursuit la CEDH.

En juin 2017, Lom-Ali Gaïtoukaïev, reconnu coupable d’avoir organisé en octobre 2006 l’assassinat de la journaliste, était décédé en prison, où il purgeait une peine de détention à perpétuité. D’origine tchétchène, il était l’oncle de Roustam Makhmoudov, qui a été reconnu coupable d’avoir abattu la journaliste, âgée de 48 ans, à l’entrée de son immeuble.

Il avait été également condamné à la perpétuité et purge sa peine. Le tribunal avait aussi condamné à 20 ans d’emprisonnement un policier moscovite, Sergueï Khadjikourbanov, pour avoir participé à la préparation du meurtre.

Violation de la liberté d’expression

Traitements dégradants, violation de la liberté d’expression: dans un deuxième arrêt, « Maria Alekhina et autres contre Russie », la Cour a aussi épinglé Moscou pour de « multiples violations » commises à l’encontre de trois membres du groupe punk Pussy Riot en 2012.

Maria Alekhina, Nadejda Tolokonnikova, Iékaterina Samoutsevitch avaient été condamnées pour avoir tenté d’interpréter des chansons anti-Poutine dans la cathédrale de Moscou en février 2012. Elles avaient été condamnées en août 2012 à deux ans de camp, notamment pour « hooliganisme motivé par la haine religieuse ».

Ekaterina Samoutsevitch avait été libérée en octobre 2012, tandis que Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina avaient purgé 22 mois de leur peine. Leurs condamnations à des peines de prison avaient entraîné une vague de solidarité de nombreux artistes et musiciens de par le monde.

16.000 euros de dommage moral

La Cour a jugé que les jeunes femmes, transportées dans un « véhicule bondé » au tribunal ont eu à « supporter l’humiliation d’être en permanence exposées à la vue de tous dans un box vitré ». Elles y étaient en outre « cernées par des policiers armés et placées sous la garde d’un chien ».

Et « pour la simple raison que celles-ci avaient porté des vêtements de couleurs vives, fait des mouvements de bras, lancé leurs jambes en l’air et utilisé un langage ordurier, les juridictions internes ont prononcé une sanction d’une sévérité exceptionnelle », souligne la Cour.

La Cour a condamné la Russie à verser jusqu’à 16.000 euros de dommage moral à chacune des Pussy Riot.
Le Quotidien / AFP