Angela Merkel, en difficulté dans son pays et isolée en Europe, va chercher vendredi à obtenir plus de soutien de la Turquie pour réduire le flux des migrants, alors qu’un nouveau naufrage a endeuillé la mer Egée.
Les 21 victimes, parmi lesquelles se trouvent huit enfants, ont péri dans deux naufrages successifs au large des îles de Farmakonissi et Kalolimnos tandis que d’autres migrants sont portés disparus, selon la police portuaire grecque.
Dans ce contexte, la chancelière allemande doit s’entretenir en milieu de journée à Berlin avec le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu et ses principaux ministres pour des consultations germano-turques inédites dans ce format, dont elle a elle-même affirmé qu’elles joueraient «un rôle clé» pour la résolution de la crise des migrants.
Une conférence de donateurs sur la Syrie suivra le 4 février à Londres et enfin un sommet européen mi-février. «C’est après ça qu’on pourra faire un bilan intermédiaire», a dit Mme Merkel.
La chancelière a évoqué jeudi soir la conférence de Londres avec Barack Obama, au cours d’une conversation téléphonique. Selon le porte-parole d’Angela Merkel, le président américain a promis que son gouvernement allait y «prendre part de manière substantielle».
La Turquie, par laquelle passent le plus grand nombre des candidats à l’asile en Europe, joue un rôle central dans la stratégie de la chancelière visant à remplir son objectif de réduire cette année de manière «significative» le nombre de demandeurs d’asile arrivant en Allemagne, après un record d’un million en 2015.
«Que cela cesse»
«Nous avons un intérêt commun à ce que moins de réfugiés aillent en Turquie et que la Turquie ne les laisse pas simplement passer (…) c’est pourquoi nous voulons déterminer (nos) intérêts communs pour que cela cesse», a déclaré jeudi soir le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière.
Mme Merkel continue elle à refuser une fermeture des frontières aux réfugiés ou un plafonnement de leur nombre en promettant à son opinion une solution internationale passant par un meilleur contrôle du flux depuis par la Turquie et une répartition des migrants via des quotas européens.
Mais cette solution peine à se concrétiser, attisant les critiques désormais d’une partie de ses propres députés, tandis que la crise avec la branche bavaroise (CSU) de sa formation politique conservatrice empire de jour en jour. Si Mme Merkel n’obtient pas rapidement une meilleure coopération d’Ankara, la situation deviendra politiquement périlleuse pour elle, alors que des scrutins régionaux cruciaux se profilent en mars.
L’UE a promis fin novembre 3 milliards d’euros aux autorités turques en échange de leur engagement à mieux contrôler leurs frontières et à lutter contre les passeurs. Mais les gouvernements européens peinent toujours à en boucler le financement et Ankara est accusée de ne pas jouer le jeu. Début janvier, l’UE s’est dite «loin d’être satisfaite» de sa coopération avec la Turquie.
Le journal conservateur Die Welt constatait aussi vendredi l’isolement européen de la chancelière: «L’Union européenne a 28 membres. La plupart d’entre eux sont prêts à s’unir pour un encadrement du nombre de réfugiés grâce à des contrôles aux frontières renforcés mais l’Allemagne est contre (…) Est-ce la position de la majorité qui est anti-européenne ?»
Certains pays n’attendent plus, en tout cas à court terme, cette solution européenne voulue par Mme Merkel. C’est le cas de l’Autriche qui a annoncé l’instauration d’un plafond d’accueil annuel des migrants.
2000 à 3 000 arrivées par jour
Tant qu’il n’y a pas de solution commune, «c’est à nous-mêmes de nous protéger», a ainsi expliqué le ministre autrichien des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, dans la presse allemande. Entre 2 000 et 3 000 réfugiés continuent à arriver chaque jour sur les côtes grecques, même si polices allemande et turque ont annoncé ensemble cette semaine le démantèlement d’un réseau de passeurs en Méditerranée.
A la veille de son déplacement à Berlin, M. Davutoglu a exhorté de son côté l’UE à prendre des mesures «concrètes» pour aider son pays, affirmant ne pas demander «d’argent» et soulignant qu’il ne s’agissait «pas d’un problème allemand, un problème turc ou même un problème syrien, c’est d’un problème mondial».
Vendredi, Berlin pourrait rallonger cette aide en mettant de sa poche «plus d’argent» sur la table, affirmait jeudi Die Welt sans citer de montant. La lutte contre l’organisation Etat islamique sera un autre thème important de la rencontre, une dizaine de jours après l’attentat suicide qui a tué dix Allemands le 12 janvier à Istanbul.
De même que la liberté de la presse en Turquie et la question kurde. Trois rassemblements pro-kurdes sont prévus à Berlin vendredi.
AFP/M.R.