Pressée par les Européens de présenter une vision réaliste de l’après Brexit, la Première ministre Theresa May plaidera vendredi pour un accord commercial sans précédent avec l’UE mais devrait également reconnaître que le Royaume-Uni devra faire des sacrifices.
Lors d’un discours très attendu à Londres, la cheffe du gouvernement défendra l’idée d’un « accord le plus large possible », « couvrant plus de secteurs et avec davantage de coopération que n’importe quel accord de libre-échange dans le monde aujourd’hui », selon des extraits transmis par ses services.
« Je crois que c’est réalisable parce que c’est dans l’intérêt de l’UE aussi bien que le nôtre », ajoutera-t-elle, relevant que « la tâche consistera à gérer la relation une fois que nous aurons deux systèmes juridiques différents ».
Mais la dirigeante conservatrice « reconnaîtra » également « qu’il y a des choses que nous ne pouvons pas avoir alors que nous quittons le marché unique et l’union douanière », a affirmé vendredi matin le ministre des Transports, Chris Grayling, sur la BBC.
Une manière de répondre à nombre de dirigeants européens qui ont accusé les Britanniques de poursuivre une politique du beurre et de l’argent du beurre.
Jusqu’ici, Londres a expliqué vouloir quitter le marché unique et l’union douanière tout en obtenant un accord qui réduirait autant que possible les droits de douane et les démarches administratives. Le gouvernement britannique souhaite un accès « sans friction au marché unique ».
« Soyons clairs: il ne peut y avoir de commerce sans frictions en dehors de l’union douanière et du marché unique. La friction est un effet secondaire inévitable de #Brexit. Par nature », a encore tweeté jeudi le président du Conseil européen Donald Tusk, peu avant de rencontrer Theresa May à Londres.
Son discours devrait aussi être l’occasion de sonner le rappel de troupes. Theresa May est dans une position plus que délicate, à la tête d’un pays divisé entre partisans et adversaires du Brexit, et prise en tenaille au sein même de son parti.
« Nous devons rassembler notre pays, en tenant compte des vues de tous ceux qui se préoccupent de cette question, des deux côtés du débat », dira Theresa May dans son discours prononcé à Mansion House, la résidence officielle du lord-maire de la Cité de Londres, et non à Newcastle (nord-est), comme initialement prévu, à cause des mauvaises conditions météorologiques au Royaume-Uni.
Casse-tête irlandais
Londres doit aussi trouver une solution au casse-tête irlandais: le Brexit, fin mars 2019, menace en effet de faire réapparaître une frontière « dure » entre la république d’Irlande, membre de l’UE, et l’Irlande du nord, province britannique.
L’enjeu pour Londres comme pour Dublin est de préserver l’accord du Vendredi saint, en 1998, qui a mis fin à trois décennies d’affrontements sanglants entre nationalistes et unionistes nord-irlandais en renforçant les liens entre les deux territoires.
Theresa May a catégoriquement rejeté un projet d’accord de la Commission européenne qui engloberait l’Irlande du nord dans le marché unique afin d’éviter une frontière avec la république d’Irlande, ce qui distinguerait la province du reste du Royaume-uni. Cela « menacerait l’intégralité constitutionnelle du Royaume-Uni (…) nous ne le ferons pas », a-t-elle martelé.
Mais elle n’a pas proposé d’autre option.
« Je pense qu’il existe des solutions technologiques » évitant une frontière « dure », a dit le député conservateur eurosceptique Jacob Rees-Mogg. Maintenir une union douanière serait à ses yeux « fatal » car « cela signifierait que notre politique commerciale serait fixée par Bruxelles et que nous ne pourrions pas voter dessus »
Ce troisième grand discours sur le Brexit de Theresa May depuis son accession au pouvoir en juillet 2016 intervient après une semaine délicate pour la cheffe du gouvernement.
Deux anciens Premiers ministres britanniques pro-européens ont pris la parole pour critiquer sa position.
Le conservateur pro-européen John Major a demandé un peu de « réalisme » au gouvernement, jugeant ses objectifs « pas crédibles ». Et le travailliste Tony Blair a jugé « impossible » de garder un accès au marché européen sans suivre les règles de l’UE.
Lundi, c’est le chef de l’opposition travailliste, Jeremy Corbyn, qui l’a mise sous pression en proposant une « nouvelle union douanière », une solution saluée par les syndicats et le patronat britanniques.
Le Quotidien/ AFP