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Marseille : un assassinat en guise d’avertissement ? 


Medhi Kessaci avait 20 ans. Il était totalement inconnu des servivces de police.  (Photo : afp)

Le frère d’un militant écologiste marseillais voulant lutter contre le trafic de drogue a été froidement abattu dans la rue. La ville est sous le choc.

«Changement de dimension», «méthode de la mafia» : Marseille, deuxième ville de France, est sous le choc vendredi après le meurtre d’un deuxième frère d’un militant écologiste engagé dans la lutte contre le narcobanditisme, le parquet n’excluant pas l’hypothèse d’un assassinat d’avertissement. Jeudi, en pleine journée, Mehdi, 20 ans, le frère cadet du militant Amine Kessaci, qui voulait devenir policier, a été tué par balle près de la plus grande salle de concert de la ville. À bord de son véhicule, il a été abattu par deux hommes à moto alors qu’il venait de se garer. En 2020, cette famille de six enfants avait déjà été endeuillée par l’assassinat de Brahim, dont le corps avait été retrouvé carbonisé dans un véhicule.

Concernant l’assassinat de Mehdi, l’enquête ne fait que débuter. Seule certitude : il s’agit d’une «victime innocente», selon une source proche de l’enquête. Le parquet a indiqué qu’il était totalement inconnu des services de police et de justice.Ce drame relance le débat sur la dangereuse lutte contre le narcobanditisme dans cette ville du sud de la France régulièrement secouée par des narchomicides et la guerre des gangs pour le contrôle des points de vente de stupéfiants. Le procureur de Marseille Nicolas Bessone n’exclut pas l’hypothèse d’un assassinat d’avertissement visant à atteindre Amine Kessaci, qui était sous protection policière depuis quelques semaines, selon une source proche de l’enquête. «Si tel devait être le cas, on aurait franchi une étape supplémentaire. Ca rappelle un certain nombre de périodes terribles connues dans notre pays, où vous allez assassiner des gens, simplement parce qu’ils sont membres d’une famille avec laquelle vous avez des problèmes», a-t-il estimé sur la radio Franceinfo.

Cartélisation comme en Amérique du sud

«Si l’hypothèse d’un assassinat d’avertissement, destiné à décourager Amine de son engagement contre le narcotrafic qui gangrène notre ville, était confirmée, nous serions devant un changement de dimension absolument terrifiant», s’est inquiété dans un communiqué Benoît Payan, maire divers gauche de Marseille. Ce nouvel assassinat s’inscrit dans «une longue progression, une longue aggravation des actes», analyse le criminologue Jean-Baptiste Perrier. «Là, la personne intimidée ne participe pas au trafic». Et au contraire, le militant écologiste «a fait plutôt de la lutte contre le trafic un sujet, donc c’est vraiment nouveau».

Le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez a assuré «suivre évidemment de très très près cette affaire, en lien avec la préfecture et les services de police sur place», selon son entourage. La préfète de police déléguée, Corinne Simon, a assuré que l’enquête pour retrouver les auteurs était «une priorité». Concernant Amine Kessaci – qui avait failli 2024 être élu député en 2024 face à une candidate du parti d’extrême droite Rassemblement national -, la menace le visant n’a pas été identifiée précisément, selon la source proche de l’enquête. Mais elle intervient dans le contexte de la parution de son livre, sorte de longue lettre adressée à son grand frère Brahim, avec ce sous-titre : «Vivre et mourir en terre de narcotrafic».

«Des méthodes de la mafia italienne»

Avec la perspective du procès attendu en 2026 des assassins présumés de Brahim et de deux autres hommes tués avec lui. Ce fait-divers fut à l’époque un électrochoc et les autorités ont commencé à partir de là à parler d’une forme de cartélisation, à l’image de celle à l’œuvre en Amérique centrale et du Sud. Malgré cela, Amine Kessaci, qui avait créé l’association Conscience pour aider les familles de victimes de narchomicides, tentait de rester actif dans sa ville. Vendredi, une cagnotte a été lancée par l’association. «Amine paie le prix fort pour son combat», a réagi Karima Méziène, avocate de familles de victimes de narchomicides et qui a elle-même perdu son frère dans un règlement de comptes. Elle a dénoncé «des méthodes de la mafia italienne».

À Marseille, la criminalité ne cesse de franchir des paliers dans l’horreur : avant 2020/2021, les victimes étaient ancrées dans le narcobanditisme, puis les cibles sont devenues les petites mains du trafic, parfois mineures et touchées à l’aveugle sur des points de deal, sur fonde de conflit entre des réseaux organisés, comme la DZ Mafia (les lettres DZ renvoient au domaine national pour l’Algérie dans les adresses internet), le groupe Yoda ou les «nouveaux Blacks» (Comoriens). Selon un décompte de l’AFP, 14 personnes ont perdu la vie dans des narchomicides depuis le début de l’année dans le département des Bouches-du-Rhône où se situe Marseille.

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