Les autorités du Bangladesh ont arrêté près de 1 200 personnes ces derniers jours après une éruption de violence liée aux manifestations contre les quotas pour le recrutement dans la fonction publique, selon un nouveau décompte fait par l’AFP mardi.
Au moins 174 personnes, dont plusieurs policiers, sont morts au cours de ces troubles, selon un autre décompte de l’AFP réalisé sur la base des victimes dénombrées par la police et les hôpitaux.
Des manifestations d’étudiants contre les quotas pour le recrutement dans la fonction publique, ont dégénéré en la pire vague de violences depuis que la Première ministre Sheikh Hasina est arrivée au pouvoir il y a 15 ans.
Les autorités ont imposé un couvre-feu, déployé des soldats dans tout le pays d’Asie du Sud, et coupé l’internet à l’échelle nationale, restreignant considérablement la circulation des informations.
Dimanche, la Cour suprême a réduit les quotas qui réservent des emplois lucratifs à certains groupes, vus comme proches du parti au pouvoir, la Ligue Awami.
Le mouvement étudiant à l’origine des manifestations a suspendu ses protestations lundi pour 48 heures, son chef déclarant qu’il ne voulait pas de réformes « au prix de tant de sang ».
Une forte présence militaire était visible dans la capitale mardi, avec des barrages à certaines intersections et sur les axes principaux.
Mais les habitants étaient plus nombreux dans les rues, parcourues par des centaines de pousse-pousse.
« Je n’ai pas conduit de pousse-pousse les premiers jours du couvre-feu, mais aujourd’hui je n’ai pas eu le choix », a déclaré Hanif, un conducteur de ces véhicules populaires. « Si je ne le fais pas, ma famille aura faim. »
Le chef des « Étudiants contre la discrimination », principal groupe organisateur des manifestations, Nahid Islam, a déclaré depuis sa chambre d’hôpital lundi qu’il craignait pour sa vie après avoir subi un enlèvement et avoir été battu. Le groupe a indiqué mardi qu’au moins quatre de ses dirigeants étaient portés disparus, demandant aux autorités de les « ramener ».
« Tués au hasard »
Au moins 200 personnes ont été arrêtées dans les districts de Narayanganj et Narsingdi, dans le centre du pays, ont indiqué à l’AFP les chefs de la police locale, tandis qu’au moins 80 personnes sont détenues à Bogra (nord).
Au moins 168 personnes ont été arrêtées dans la ville industrielle de Gazipur, à proximité de la capitale, 75 dans la ville de Rangpur (nord) et 60 à Barisal, dans le sud, ont indiqué de hauts responsables de la police.
Dans la région rurale environnant Dacca, 80 arrestations ont été signalées, s’ajoutant à un total de 532 arrestations dans la capitale annoncées la veille. Ces derniers chiffres portent le total des arrestations recensées par l’AFP à 1 195.
La réponse des autorités aux manifestations a été largement critiquée.
Dans une déclaration lundi, le lauréat bangladais du prix Nobel de la paix, Muhammad Yunus, a exhorté « les dirigeants internationaux et les Nations unies à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre fin à la violence ».
Muhammad Yunus, 83 ans, est connu pour avoir sorti des millions de personnes de la pauvreté grâce à sa banque de microfinance pionnière.
« Chaque jour, des jeunes sont tués au hasard », a déclaré Muhammad Yunus.
Des diplomates en poste dans la capitale ont également critiqué la répression du gouvernement qui a de façon répétée rejeté la responsabilité des troubles sur les manifestants et l’opposition, selon des sources diplomatiques sous couvert de l’anonymat.
« Sheikh Hasina ne fuit jamais »
Avec environ 18 millions de jeunes sans emploi, selon les chiffres officiel, la réintroduction du système de quotas dans la fonction publique en juin a déclenché la colère des diplômés.
La Cour suprême a réduit dimanche le nombre d’emplois réservés de 56 % à 7 % de l’ensemble des postes, principalement pour les enfants et petits-enfants des combattants de la guerre de libération contre le Pakistan de 1971, mais n’a pas aboli ce système, comme le réclament les manifestants.
Sheikh Hasina, âgée de 76 ans, dirige le pays depuis 2009 et a remporté sa quatrième élection consécutive en janvier, à l’issue d’un scrutin sans véritable opposition.
Les violences de ces derniers jours ont suscité des interrogations sur son avenir, mais elle a dit lundi devant des hommes d’affaires sa détermination à rester au pouvoir, en affirmant : « Sheikh Hasina ne fuit jamais ».