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Mais au fait, c’est quoi le CETA ?


Manif anti-CETA à Luxembourg, le 8 octobre. (photo LQ)

Loué par les dirigeants européens comme un accord modèle de libre-échange, le CETA, traité commercial entre le Canada et l’UE, se heurte à l’opposition de ceux qui – comme dans le cas de l’impopulaire TTIP négocié avec les Etats-Unis – lui reprochent son manque de transparence et de démocratie.

Sa signature par les 28 Etats membres de l’UE, censée avoir lieu le 27 octobre à Bruxelles, est menacée à la suite de la rupture vendredi des négociations entre la Wallonie, région francophone de la Belgique, et le Canada.

Qu’est ce que le Ceta?

Négocié depuis sept ans, le Ceta prévoit la suppression des droits de douane pour presque tous les produits. Parmi les exceptions, certains produits agricoles, comme les viandes bovines et porcines, dans le sens Canada-UE. L’accord fournit aussi une protection supplémentaire à 143 produits européens d’origine géographique spécifique (AOC) – dont 42 français -, tels le Roquefort.

Grâce au Ceta, les entreprises européennes auront désormais accès aux marchés publics canadiens, y compris au niveau des villes et des provinces, qui gèrent une part importante des dépenses publiques. C’est une avancée pour les Européens, qui avaient donné un large accès à leur marché aux compagnies canadiennes.

Le Ceta ne modifiera pas les règles européennes sur la sécurité alimentaire ou la protection de l’environnement.

Les produits canadiens ne pourront être importés dans l’Union que s’ils respectent sa réglementation : ainsi, comme aujourd’hui, le boeuf aux hormones ne sera pas autorisé.

Il doit améliorer la coopération entre les organismes européen et canadien chargés de veiller au respect des normes.

L’accord est-il trop favorable aux multinationales?

Un point sensible porte sur la possibilité donnée aux multinationales investissant dans un pays étranger de porter plainte contre un Etat adoptant une politique publique contraire à leurs intérêts.

En février 2016, le Canada a fait un pas en direction des Européens en acceptant que soit renforcé le droit des gouvernements à imposer des règlements aux investisseurs. A été également convenue la mise sur pied d’un tribunal permanent composé de 15 juges professionnels nommés par l’UE et le Canada. Toutes les auditions seront publiques.

C’est « une sorte de Cour publique des investissements qui ouvre la voie à une Cour internationale des investissements », selon un négociateur européen. Mais les ONG jugent qu’elle ne va pas assez loin et craignent que ces « pseudo-juges » soient des avocat d’affaires liés à des cabinets privés.

Quel calendrier?

Selon l’échéance initiale, le Ceta devait être signé le 27 octobre à Bruxelles par l’UE (au nom des 28 Etats membres) et le Canada, en présence du Premier ministre canadien Justin Trudeau.

Mais l’échec des négociations, vendredi, entre le gouvernement wallon et la ministre canadienne du Commerce, Chrystia Freeland, remet en question ce calendrier.

Le Parlement européen et celui du Canada sont censés, d’ici la fin de l’année, approuver le Traité qui devrait ensuite entrer en vigueur de façon provisoire et partielle.

Pour que le Ceta entre complètement en usage, les 38 Parlements nationaux et régionaux de l’UE devront le ratifier, ce qui pourrait prendre des années.

Parmi les chapitres exclus de l’accord provisoire (au motif qu’ils touchent des compétences des Etats membres et doivent par conséquent être aussi approuvés par les Parlements nationaux) devrait figurer celui concernant la très sensible question des tribunaux d’arbitrage.

Concrètement, pendant l’application provisoire du traité, en cas de litige entre une multinationale et le pays dans lequel elle investit, ce sera le statu quo : l’entreprise continuera à porter plainte devant la juridiction du pays concerné ou la chambre arbitrale internationale de Paris, par exemple.

Quels autres obstables potentiels sur la route du Ceta?

En Allemagne, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a certes donné son feu vert le 13 octobre à l’application de l’accord mais sous conditions : elle exige de Berlin la garantie que l’Allemagne pourra à l’avenir sortir de l’accord au cas où la Cour lui demanderait.

Les juges allemands n’ont en effet pas encore statué sur la constitutionnalité du traité et plusieurs mois s’écouleront avant qu’ils ne prononcent un jugement.

Autre point en suspens : que se passera-t-il au moment du départ des Britanniques de l’UE ?

Ce qu’illustre la question des quotas d’importation de viandes bovines et porcines dans le sens UE-Canada : le Royaume-Uni – qui n’en produit guère – avait plaidé pour un quota assez élevé pour l’UE. Or, avec le départ du Royaume-Uni, qui aurait pu être un gros acheteur, les 27 pourraient se retrouver avec un niveau bien supérieur à leurs besoins.

Le Quotidien / AFP