Emmanuel Macron a été accueilli jeudi à Pékin par son homologue chinois Xi Jinping, avant une rencontre en tête-à-tête où le conflit en Ukraine sera au coeur des discussions.
Devant le Palais du peuple à Pékin, coeur du pouvoir chinois, une cérémonie d’accueil officielle a eu lieu, avant le début de l’entretien, à portes fermées, qui doit durer environ une heure. Xi Jinping a salué son hôte sur un immense tapis rouge avant que la Marseillaise ne soit jouée sur la place Tiananmen, a constaté un journaliste de l’AFP.
Les deux dirigeants feront ensuite des déclarations à la presse à 17H30 (09H30 GMT), puis une réunion trilatérale se tiendra en présence de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, également à Pékin. L’objectif de deux dirigeants européens? Faire entendre leur voix auprès de Xi Jinping, proche allié de Moscou qu’ils ne désespèrent pas de voir jouer un rôle pour la paix en Ukraine.
Reçu dans la matinée par le Premier ministre Li Qiang, M. Macron « a évoqué le conflit en Ukraine », selon la présidence française. « Dans ces temps troublés que nous traversons », il a souligné « l’importance » du « dialogue entre la Chine et la France ».
Il s’est ensuite entretenu avec le président de l’Assemblée nationale Zhao Leji, auprès de qui il « a souligné les impacts de la guerre en Ukraine sur la sécurité et les équilibres stratégiques mondiaux ». De son côté, Mme von der Leyen, reçue par Li Qiang, a souligné que « les relations UE-Chine sont devenues complexes ces dernières années, et il est important qu’on discute ensemble de tous les aspects de cette relation aujourd’hui », surtout dans cet « environnement géopolitique volatil ».
Pression
Ces dernières semaines, la pression internationale est montée d’un cran sur la Chine pour l’inciter à s’impliquer pour la paix en Ukraine. Car, si Pékin se dit officiellement neutre, Xi Jinping n’a jamais condamné l’invasion russe ni même parlé au téléphone avec son homologue ukrainien Volodomyr Zelensky. A l’inverse, il s’est rendu il y a peu à Moscou pour y réaffirmer son alliance avec le président russe Vladimir Poutine, aux allures de front anti-occidental.
Dans ce contexte, Emmanuel Macron a l’ambition d' »être une voix qui unit l’Europe », raison pour laquelle il a convié la présidente de la Commission européenne à l’accompagner, comme il l’a rappelé mercredi dans un discours. Mais les deux vont-ils adopter le même ton?
Au premier jour de sa visite d’Etat de trois jours, le président français a estimé mercredi que Pékin pouvait jouer un « rôle majeur » pour « trouver un chemin de paix » en Ukraine, invoquant le document en 12 points sur la position chinoise publié en février.
Ursula von der Leyen, de son côté, a lancé une mise en garde nettement plus sévère la semaine dernière à Bruxelles: « La manière dont la Chine continuera de réagir face à la guerre de Poutine sera un facteur déterminant de l’avenir des relations entre l’UE et la Chine ».
« Maintenant qu’elle a prononcé son discours, elle est clairement dans le collimateur de Pékin car elle a exposé une vision assez ferme et dure à l’égard de Pékin qui n’est pas du tout celle d’Emmanuel Macron », explique à l’AFP Marc Julienne, de l’Institut français des relations internationales (Ifri). « On va voir comment ils vont se répartir les rôles », ajoute-t-il.
Mais « jouer au bon flic et au mauvais flic entre Macron et von der Leyen à Pékin affaiblirait instantanément le récit européen d’un front uni », avertit dans une note d’analyse Antoine Bondaz, de la Fondation pour la recherche stratégique.
Tensions autour de Taïwan
Cette visite survient à un nouveau moment de tension autour de la question de Taïwan, juste après la rencontre, aux Etats-Unis, entre la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen et le président de la Chambre américaine des représentants, le républicain Kevin McCarthy.
Jeudi, Pékin a promis une réponse « déterminée » et l’île autonome a aussitôt annoncé avoir détecté trois navires de guerre et un hélicoptère anti-sous-marin chinois à proximité. La Chine estime que Taïwan est l’une de ses provinces, qu’elle entend ramener à terme dans son giron.
« Je n’ai pas le sentiment qu’il y ait une volonté de surréagir » côté chinois, avait tenté de relativiser mercredi Emmanuel Macron devant des journalistes, laissant entendre que la question de Taïwan ne serait pas un dossier prioritaire dans ses discussions.
Le déplacement du président Macron, qui vise à renouer le dialogue en face-à-face après trois ans à distance en raison de la crise sanitaire, aura un important volet économique: il est venu avec plus de 50 chefs d’entreprises françaises, dont ceux d’Airbus, EDF et Veolia. « Plusieurs contrats importants seront signés » jeudi, a-t-il promis, appelant à ne pas se « désassocier » de la Chine.
De son côté, Ursula von der Leyen a rappelé via Twitter que « le déficit commercial de l’UE (vis-à-vis de la Chine) augmente en raison de pratiques discriminatoires » et dit avoir discuté avec le Premier ministre chinois de « comment rééquilibrer notre commerce ».