L’ex-président brésilien de gauche Lula condamné à la prison, sa dauphine Dilma Rousseff destituée, l’actuel président Michel Temer menacé d’un procès : le Brésil vit depuis un peu plus d’un an une crise politique sidérante.
En se voyant infliger mercredi une peine de neuf ans et six mois de prison pour corruption et blanchiment d’argent, Luiz Inacio Lula da Silva, icône de la gauche latino-américaine, est devenu le premier ex-président du Brésil condamné. La décision du juge Sergio Moro est intervenue au moment où les députés s’apprêtent à décider du sort de l’actuel président Michel Temer, dont le mandat ne tient plus qu’à un fil. Ils doivent voter sur la tenue ou non d’un procès pour corruption du président de ce grand pays de 200 millions d’habitants qui se bat pour sortir de la récession.
Quoi qu’il lui arrive, Michel Temer est d’ores et déjà le premier président brésilien en exercice formellement mis en accusation pour corruption. Temer avait lui-même accédé au pouvoir en 2016 à la faveur d’une crise politique brutale : la destitution pour maquillage des comptes publics de Dilma Rousseff, dont il était le vice-président.
Lula favori de la présidentielle 2018
Il y a quelque chose de maudit avec la fonction présidentielle au Brésil. D’ailleurs mercredi, le juge Moro a mesuré la portée de la condamnation de Lula. « Comme l’emprisonnement d’un ex-président de la République représente un certain traumatisme, (…) il est plus prudent d’attendre le jugement de la Cour d’appel », a-t-il dit pour expliquer le maintien en liberté de celui qui avait battu les taux de popularité en quittant le pouvoir (80%).
Pour ajouter au caractère surréaliste de la situation politique, Lula, s’il perd son appel, ne pourra pas être candidat à la présidentielle de 2018, pour laquelle il apparaît favori dans les intentions de vote. Et celui qui semble un des seuls à pouvoir le battre vient de le crucifier : le juge Moro. Qui d’ailleurs dit n’avoir aucune intention de se présenter.
« La classe politique brésilienne est en pleine débâcle. Il y a un besoin de renouvellement mais personne ne sait par quoi la remplacer », estime Everaldo Moraes, politologue de l’université de Brasilia. Les hommes politiques « sont tous sont condamnés par l’opinion publique », ajoute-t-il. Mais certains soulignent l’aspect positif à la crise actuelle : victoire de la justice, lutte contre la corruption. « Il y a un choc entre les pratiques de la politique brésilienne depuis des décennies, ou peut-être depuis toujours, et des institutions habilitées à enquêter qui commencent à fonctionner différemment », pour Michael Mohallem, de la Fondation Getulio Vargas.
Le Quotidien/AFP