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L’Ukraine refuse les évacuations vers la Russie, se prépare à de nouvelles offensives


Un couloir humanitaire doit notamment être organisé entre la capitale Kiev et la ville bélarusse de Gomel. (Photo : AFP)

L’Ukraine a refusé lundi les couloirs humanitaires vers la Russie et le Bélarus proposés par Moscou et se prépare à de nouvelles offensives sur plusieurs villes du pays, dont Kiev, après une nouvelle nuit de violents bombardements.

L’aggravation du conflit, les sanctions de plus en plus dures contre la Russie et la possibilité d’un embargo sur le pétrole russe provoquaient lundi matin une poussée de fièvre sur les marchés internationaux, avec des hausses vertigineuses du pétrole et du gaz et une lourde chute des bourses en Asie ainsi qu’à l’ouverture en Europe.

Au douzième jour de l’invasion russe, Moscou a annoncé l’instauration de cessez-le-feu locaux et l’ouverture de couloirs humanitaires pour permettre l’évacuation de civils de plusieurs villes d’Ukraine dont la capitale Kiev. Mais la moitié de ces couloirs rejoignent la Russie ou le Bélarus, depuis lequel l’armée russe est aussi entrée en Ukraine le 24 février, et ont aussitôt été rejetés par le gouvernement ukrainien. « Ce n’est pas une option acceptable », a déploré la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk. Les civils évacués « n’iront pas au Bélarus pour ensuite prendre l’avion et aller en Russie », a-t-elle dit.

Selon l’armée russe, la décision d’ouvrir des couloirs humanitaires a été prise après une « demande personnelle » du président français Emmanuel Macron adressée à son homologue russe Vladimir Poutine. Les deux dirigeants se sont entretenus pendant deux heures dimanche par téléphone. Le président Macron n’a « évidemment pas » demandé de tels couloirs vers la Russie ou le Bélarus, a répliqué l’Elysée. Il demande d’abord que « l’offensive russe s’arrête » et insiste sur « la protection des civils et l’acheminement de l’aide », a précisé la présidence française.

La mise en place de couloirs humanitaires concerne Kiev, mais aussi Kharkiv (nord-est), deuxième ville du pays visée dans la nuit de dimanche à lundi par de nouveaux bombardements ayant touché un complexe sportif et des immeubles résidentiels, ainsi que Marioupol, port stratégique sur la mer d’Azov (sud-est), assiégé par l’armée russe, et Soumy (nord-est).

Le porte-parole de l’armée russe, Igor Konachenkov, a affirmé que des cessez-le-feu locaux pour assurer les évacuations avaient bien débuté à 07H00 GMT.

« Kiev tiendra ! »

Les combats ont baissé temporairement en intensité en raison de « pertes énormes » côté russe, a affirmé lundi matin le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov sur sa page Facebook. Mais « les occupants essaient de concentrer leurs forces et leurs ressources pour une nouvelle série d’attaques », a-t-il affirmé. « En premier lieu Kiev, Kharkiv, Tcherniguiv (nord) et Mykolaïev (sud) », a-t-il précisé.

Neuf personnes ont été tuées dimanche dans le bombardement par l’armée russe de l’aéroport de Vinnytsia, à quelque 200 km au sud-ouest de Kiev. Le maire de Gostomel, ville qui accueille une base militaire au nord-ouest de Kiev, a lui été tué « alors qu’il distribuait du pain et des médicaments aux malades, et réconfortait les blessés », a annoncé la mairie.

L’armée russe a massé des forces autour de Kiev et va « probablement essayer de prendre la ville dans les prochains jours », a estimé un conseiller du ministre de l’Intérieur. Les forces ukrainiennes se tiennent prêtes à détruire le dernier pont reliant Kiev à son arrière-pays à l’ouest pour freiner la progression des chars russes. « La capitale se prépare à se défendre », a lancé le maire de Kiev et ancien champion de boxe Vitali Klitschko sur Telegram. « Kiev tiendra ! Se défendra ! Dressons-nous ensemble ! Gloire à l’Ukraine ! », a-t-il clamé.

Tcherniguiv (nord), où des bombardements avaient déjà fait 47 morts jeudi, a été la cible de tirs d’artillerie durant la nuit et des combats ont éclaté à ses abords, selon l’armée ukrainienne. Mykolaïev a été visé par des lances-roquette Grad. Les forces russes affluaient aussi dans la région de Soumy.

Tirs de missiles près d’Odessa

Celle de Jytomyr, à 150 km à l’ouest de Kiev, est également pilonnée, avec nombre de maisons détruites. Dans la région de Kherson, près de la Crimée, dont les Russes ont pris le contrôle, de nombreux villages sont privés d’électricité, de gaz, d’eau, de nourriture et de médicaments. Des missiles russes tirés depuis la mer Noire se sont aussi abattus lundi sur le village de Touzly, dans la région d’Odessa, a indiqué un porte-parole militaire régional, Sergueï Bratchouk. Selon lui, les tirs ont visé des « sites d’infrastructures cruciales », mais n’ont pas fait de blessé.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait aussi averti que la Russie se préparait à bombarder Odessa, port stratégique sur la mer Noire. Le ministre de l’Education Sergiy Shkarlet a précisé de son côté que 211 écoles avaient été endommagées dans les bombardements. Par ailleurs, à Lougansk, contrôlée par les séparatistes russes dans l’est de l’Ukraine, une forte explosion a provoqué lundi un incendie dans un dépôt de pétrole, selon l’agence de presse russe Interfax.

Une troisième séance de négociations entre Russes et Ukrainiens est prévue lundi, selon Kiev. Mais les espoirs de succès sont minces, le président russe Vladimir Poutine ayant posé comme condition préalable à tout dialogue l’acceptation par Kiev de toutes les exigences de Moscou, notamment la démilitarisation de l’Ukraine et un statut neutre pour le pays.

Deux sessions précédentes de pourparlers s’étaient tenues à la frontière ukraino-bélarusse puis à la frontière polono-bélarusse. Dimanche soir, lors de son entretien avec Emmanuel Macron, M. Poutine a affirmé qu’il « atteindrait ses objectifs » en Ukraine « soit par la négociation, soit par la guerre », selon l’Elysée.

« Solide comme un roc »

Il a aussi de nouveau « nié que son armée prenne des civils pour cibles », et réaffirmé que « la responsabilité revenait aux Ukrainiens de laisser partir la population des villes encerclées », selon la présidence française. L’aggravation du conflit et l’arrêt quasi-total des exportations russes continuent de faire flamber les prix du pétrole. Le baril de Brent de la mer du Nord a frôlé les 140 dollars, proche du record absolu.

Le prix du gaz naturel s’est enflammé de 60% à plus de 300 euros sur le marché européen devant les craintes de perturbations dans les livraisons en provenance de Russie. Dans la foulée, les Bourses de Tokyo et de Hong Kong ont chuté de 2,94% et 3,87%. En Europe, elles lâchaient 4% à l’ouverture. L’envolée des cours du pétrole intervient après des déclarations dimanche du chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, selon qui les Etats-Unis et l’Union européenne discutent « très activement » de la possibilité d’interdire les importations de pétrole russe.

M. Zelensky a aussi lancé un appel en ce sens. Mais L’Allemagne, très dépendante des hydrocarbures russes, s’est déclarée opposée à un embargo sur le gaz, le pétrole et le charbon russes, estimant que les sanctions devaient pouvoir « tenir sur la durée ». Alors que la Russie est de plus en plus isolée sur la scène internationale, la Chine l’a assurée de son amitié, « solide comme un roc », et a esquissé des « perspectives de coopération future immenses ». La Russie était quant à elle absente lors de l’ouverture des audiences devant la Cour internationale de justice (CIJ) dans une procédure initiée par l’Ukraine, qui demande au plus haut tribunal de l’ONU d’ordonner à Moscou de stopper son invasion militaire.

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