L’Union européenne a dit vendredi vouloir trouver une position commune pour « réajuster » sa position vis-à-vis de la Chine, afin de réduire sa dépendance économique et pousser Pékin à adopter une ligne plus dure avec Moscou sur l’Ukraine.
La question est au coeur d’une réunion des chefs de la diplomatie de l’UE vendredi à Stockholm, à laquelle succède samedi une réunion de la « zone indo-pacifique » sans la Chine, toujours dans la capitale suédoise.
Avec la montée des tensions autour de Taïwan, les divergences de ligne au sein des 27 sont apparues au grand jour ces dernières semaines, poussant l’Europe a accorder ses violons dans sa relation – compliquée mais incontournable – avec le géant asiatique.
« Nous devons réajuster notre position vis à vis de la Chine », a annoncé le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell à l’ouverture de la réunion. Il a soumis aux ministres un document de travail accompagné d’une lettre explicative destinés à préparer le sommet européen du 30 juin.
« La Chine a beaucoup changé. La montée du nationalisme et de l’idéologie, le durcissement de la concurrence entre les États-Unis et la Chine, qui affecte tous les domaines politiques, et le fait que la Chine est en train de se transformer imposent de définir une stratégie cohérente », souligne la lettre dont l’AFP a pris connaissance.
« Mettre un terme à la cacophonie »
« Si nous voulons être pertinents face à l’émergence de la Chine en tant que grande puissance, les États membres de l’UE doivent être plus unis et agir conformément à une politique commune », y insiste Josep Borrell, qui avait récemment déjà appelé à « mettre un terme à la cacophonie ».
Des déclarations le mois dernier du président français Emmanuel Macron en marge d’un voyage en Chine avaient suscité des critiques voire la consternation au sein de plusieurs pays de l’UE.
Dans une interview au quotidien Les Échos et à Politico, le dirigeant français avait mis en garde contre le risque de voir l’Europe entraînée dans un conflit entre Washington et Pékin, notamment sur la question de Taïwan, une position jugée très éloignée du consensus européen.
Chine-Russie : une position ambiguë
Un autre sujet de discorde au sein de l’UE est celui lié à l’ambiguïté de la position chinoise sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pékin n’a pas condamné Moscou et certaines de ses entreprises aident la Russie en contournant les sanctions européennes. « Nous ne pouvons pas avoir une relation normale avec la Chine si celle-ci n’utilise pas la forte influence qu’elle a sur la Russie pour mettre fin à cette guerre », a averti Josep Borrell vendredi.
Bruxelles a suscité l’ire de Pékin en proposant aux 27 de restreindre les possibilités d’exportations européennes vers huit sociétés chinoises accusées de réexporter vers la Russie des biens avec des composants électroniques et des technologies sensibles comme des semi-conducteurs et des circuits intégrés. La Chine « répliquera » si ces mesures sont adoptées, a averti à Berlin le ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang. Ce dernier effectue cette semaine une visite en Europe, et se trouve ce vendredi en Norvège.
« Il ne s’agit pas de sanctions économiques et les mesures que nous prenons ne sont pas dirigées contre des Etats », a assuré vendredi à Stockholm la ministre allemande Annalena Baerbock.
« Aucune décision n’a encore été prise », a pour sa part précisé Josep Borrell. « La décision revient aux Etats membres et l’unanimité est nécessaire », a-t-il rappelé.
Partenaires, pas clients
« Nous devrions trouver un moyen d’être un partenaire et non un client », a affirmé le représentant de la Pologne, le secrétaire d’Etat Pawel Jablonski, quand le ministre lituanien Gabrielus Landsbergis a appelé à éviter de répéter les nombreuses erreurs que nous avons faites avec la Russie ».
Samedi à Stockholm, la réunion entre les ministres de l’UE et leurs homologues de la région Asie-Pacifique portera sur le volet sécuritaire, avec les tensions dans le détroit de Taïwan, « mais elle va surtout permettre de discuter de la manière de construire des partenariats », a expliqué un haut responsable européen.
« Il n’est pas question de chercher un alignement entre les participants face à la Russie au cours de cette réunion et il faut maintenir le statu quo entre la Chine et Taïwan pour éviter une escalade », a-t-il précisé.
Pour Elvire Fabry, spécialiste de la Chine pour l’Institut Jacques Delors, les Européens ne sont pas sur la voie d’une fâcherie avec Pékin. « Il y a une volonté d’éviter la confrontation avec la Chine, même si les contentieux se multiplient », explique-t-elle à l’AFP.