Débordée par l’augmentation constante des demandes d’asile et déboussolée par la menace des jeunes Européens rejoignant les rangs jihadistes en Syrie et en Irak, l’Europe veut verrouiller les frontières extérieures de l’Union et bloquer les migrants dans leurs pays d’origine.
Le ministre letton de l’Intérieur, Rihards Kozlovskis. (Photo : AFP)
« La pression migratoire ne cesse d’augmenter », a affirmé jeudi le ministre letton de l’Intérieur, Rihards Kozlovskis, à son arrivée à Bruxelles pour présider une réunion avec ses homologues européens. Selon les dernières données de Frontex, l’agence européenne pour la surveillance des frontières, les « franchissements illégaux » ont triplé, passant de 100 000 à 274 000 entre 2013 et 2014. La situation ne cesse de se dégrader au Sud et à l’Est. En une année, les traversées de migrants et de demandeurs d’asile en Méditerranée centrale vers l’Italie ont pratiquement quadruplé, passant de 45 000 à 174 000. Elles ont doublé en Méditerranée orientale avec 50 000 arrivées, et sont passées de 20 000 à 37 000 dans les Balkans à la frontière entre la Hongrie et la Serbie.
L’UE a le plus grand mal à gérer ce phénomène, faute d’une vraie solidarité entre les Etats dans l’accueil des migrants et des demandeurs d’asile. Cela fait le jeu des mouvements extrémistes xénophobes, désormais en mesure d’influencer les politiques. Petit à petit, les portes de l’asile se ferment dans l’UE : le Danemark a durci ses règles, la Belgique a réduit le nombre de ses centres d’accueil, l’Allemagne et la Suède annoncent que leurs systèmes sont « en très grande difficulté » en raison d’un afflux de demandeurs d’asile venus du Kosovo, confie un diplomate européen.
Les dirigeants européens explorent toutes les possibilités pour bloquer les départs des candidats à l’immigration. L’Italie pousse ses partenaires à l’action. Près de 8 000 migrants ont débarqué sur ses côtes depuis le début de l’année et, selon le patron de Frontex, le Français Fabrice Leandri, entre 500 000 et un million de migrants sont prêts à embarquer depuis les côtes libyennes.
> Critères de risque
La coopération avec les pays d’origine et de transit est fondamentale. La Turquie, devenue l’un des principaux pays de passage, a accepté de prendre des mesures pour empêcher la multiplication des cargos fantômes partis des côtes proches de la frontière syrienne après avoir embarqué des centaines de passagers. Une des idées étudiées jeudi est de traiter les demandes d’asile dans les pays de transit. La mission pourrait être confiée au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ou à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a expliqué un diplomate. « Une fois la demande admise, l’UE ferait venir le réfugié sur son territoire », a-t-il précisé. « Le problème est que tout cela doit se faire sur une base volontaire », a-t-il insisté.
L’Allemagne et l’Autriche plaident pour des centres d’accueils dans les pays d’Afrique du nord. « Mais cela va prendre du temps », a reconnu le ministre allemand, Thomas de Maizière. L’Union européenne doit être prête à traiter avec des dirigeants infréquentables pour développer de telles coopérations. « Nous ne devons pas être naïfs. Le fait que nous coopérions avec des régimes dictatoriaux ne signifie pas que nous les légitimions. Mais nous devons coopérer là où nous avons décidé de lutter contre la contrebande et la traite des êtres humains », a soutenu Dimitris Avramopoulos, le commissaire européen chargé de ce dossier.
Le renforcement des contrôles aux frontières est également une priorité pour lutter contre la menace que font peser les jeunes Européens radicalisés qui partent combattre en Syrie et en Irak, avant, pour certains, de revenir dans leur pays.
La possibilité de mener des contrôles plus systématiques sur les ressortissants européens dans les aéroports est à l’étude. « L’idée est de définir des critères de risque, mais il faut qu’ils soient respectueux des droits fondamentaux », a expliqué un diplomate européen. « Pas question de critères stigmatisants », a-t-il insisté. En revanche, « la destination ou la provenance du voyageur peuvent devenir des critères pour ces contrôles ».
AFP