La Commission européenne doit dévoiler mardi un nouveau plan pour freiner l’afflux migratoire, faisant miroiter de nouvelles aides financières réservées aux pays « coopératifs » en Afrique, d’où viennent la plupart des migrants ayant entrepris la périlleuse traversée vers l’UE ces dernières semaines.
Le projet devait être présenté mardi en début d’après-midi par le vice-président de la Commission Frans Timmermans et la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini, devant les eurodéputés réunis en session plénière à Strasbourg. « L’idée est de se baser sur l’expérience que nous avons récemment eue avec nos accords avec la Turquie », a expliqué le commissaire en charge des migrations Dimitris Avramopoulos, dans une interview publiée mardi par le quotidien allemand Die Welt.
Pour s’assurer une coopération des pays d’origine dans la maîtrise des flux migratoires, le plan propose des partenariats renforcés, en priorité avec des pays comme l’Ethiopie, le Niger, le Nigéria, le Mali, le Sénégal, mais aussi la Jordanie et le Liban. « Nous pouvons garantir aux pays qui se montrent coopératifs, en plus des aides actuelles, un soutien financier additionel et un renforcement des relations commerciales », a avancé M. Avramopoulos. « Pour ceux qui ne respectent pas les accords, il peut y avoir aussi des restrictions », a-t-il prévenu, indiquant que la Commission présenterait un plan d’investissement détaillé à l’automne, inspiré du « plan Juncker ».
Elle mettrait sur la table quelque 3 milliards d’euros du budget européen, censés déclencher des investissements complémentaires jusqu’à 62 milliards d’euros si des partenaires privés participent et que des Etats membres y contribuent de leur côté. L’objectif affiché est de s’attaquer aux « causes profondes » des migrations, en donnant aux Africains des perspectives d’avenir chez eux, via le financement de projets concrets.
Il s’agit aussi d’obtenir des pays africains qu’ils luttent davantage contre les passeurs et acceptent beaucoup plus de « réadmissions » de leurs ressortissants. Moins de 40% des migrants irréguliers ayant reçu dans l’UE l’injonction de retourner dans leur pays le font effectivement, selon des chiffres datant de 2014, en partie en raison d’un manque de coopération et de moyens des pays d’origine.
L’Italie en première ligne
L’ambition de ce nouveau plan était déjà exactement celle du sommet de La Valette, qui avait réuni en novembre à Malte des dirigeants des deux continents. La Commission avait alors mis sur la table un fond de 1,8 milliard d’euros, que les Etats membres étaient censés doubler –ce qui est toujours loin d’être le cas. Mais les résultats ne sont pas encore tangibles. Et depuis que l’immense afflux de migrants venant de la Turquie s’est tari, grâce au fragile accord entre l’UE et Ankara conclu en mars, la route maritime depuis l’Afrique est redevenue la principale porte d’entrée en Europe.
Le mois d’avril dernier a ainsi marqué un tournant avec, pour la première fois depuis juin 2015, davantage de migrants arrivés par la mer en Italie qu’en Grèce. Contrairement aux migrants passant par la Turquie –des Syriens fuyant la guerre pour la plupart–, les plus de 47.000 migrants arrivés en Italie entre janvier et fin mai relèvent pour la plupart aux yeux des Européens du statut de migrants économiques, donc à renvoyer. En première ligne, Rome est l’une des capitales inspiratrices du nouveau projet de la Commission, ont assuré plusieurs sources européennes, citant le plan récemment proposé par le chef du gouvernement italien Matteo Renzi, baptisé « Migration Compact ».
La dernière semaine de mai a vu plus de 13.000 migrants sauvés dans le canal de Sicile. Mais tous n’ont pas eu cette chance: près de 2.500 ont trouvé la mort sur les itinéraires méditerranéens de janvier à fin mai, dont plus de 2.000 en Méditerranée centrale, selon l’Organisation internationale des migrations (OIM). D’après le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), plus de 10.000 migrants ont perdu la vie en Méditerranée, en tentant de rejoindre l’Europe, depuis 2014.
Pour ne pas donner l’image d’une Europe forteresse, la Commission doit également proposer mardi une réforme du système européen de migration légale, avec l’espoir d’attirer davantage une main d’oeuvre hautement qualifiée, via son système dit de « carte bleue ». Les propositions de l’exécutif européen doivent préparer le terrain avant le sommet des Etats membres de l’UE prévu les 28 et 29 juin à Bruxelles, lors duquel sont attendues de nouvelles décisions face à la crise migratoire.
Le Quotidien / AFP