Les pays de l’UE ont affiché jeudi leurs divergences sur une proposition de la Commission pour plafonner les cours du gaz, majoritairement jugée inefficace, ce qui les a empêchés d’adopter d’autres mesures pour répondre à la crise énergétique.
Réunis à Bruxelles, les ministres de l’Energie ont approuvé le contenu d’un texte prévoyant des achats communs de gaz et un mécanisme de solidarité –pour que les pays menacés de pénuries soient automatiquement aidés par d’autres Etats membres–, ainsi qu’un autre texte simplifiant les autorisations pour les infrastructures d’énergies renouvelables.
Si le ministre tchèque Jozef Sikela, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE, a salué sur Twitter « un accord sur ces mesures importantes », un diplomate européen a précisé à l’AFP que cet accord restait « informel », les textes n’étant pas formellement adoptés. Comme attendu, aucun compromis n’a été trouvé sur la proposition de la Commission visant à plafonner les prix du gaz, qui suscite une levée de boucliers. « Les négociations continuent, et il apparaît qu’il ne pourra y avoir une adoption formelle que si un accord est trouvé sur l’ensemble des trois textes », a ajouté la source diplomatique.
M. Sikela a d’ailleurs annoncé la tenue d’une nouvelle réunion ministérielle « dans la première quinzaine de décembre ». « Il est important d’arriver à un accord sur tous les dossiers en même temps, c’est une question d’équilibre », avait estimé jeudi matin la ministre belge Tinne van der Straeten.
Le dispositif controversé proposé mardi par l’exécutif européen consisterait à plafonner pour un an les prix des contrats mensuels sur le marché gazier de référence TTF dès qu’ils dépassent 275 euros/MWh pendant deux semaines consécutives, entre autres conditions — ce qui ne s’est jamais produit, même au plus fort de la flambée des cours en août dernier.
« A ce niveau, ce n’est pas un plafond! Les prix du gaz menacent les ménages et entreprises, nous avons perdu trop de temps sans résultats », a fulminé le ministre grec Konstantinos Skrekas à son arrivée à Bruxelles.
« C’est une plaisanterie! Il fait -10 degrés chez nous, nous ne voulons pas continuer à discourir sur la solidarité ou les renouvelables, il faut discuter dès maintenant d’un plafond des prix du gaz » et obtenir un nouveau texte de l’exécutif européen « dans les prochains jours », a également estimé son homologue polonaise Anna Moskwa.
« Mauvaise blague »
La ministre espagnole Teresa Ribera a jugé la proposition de la Commission « inapplicable et inefficace » pour plafonner les prix, la taxant de « mauvaise blague » et soulignant « la grande inquiétude d’une large majorité d’Etats membres » à ce sujet.
Considérant que le plafonnement proposé est « insuffisant » et « certainement pas une réponse à l’envolée des prix » qui menace l’industrie européenne, la ministre française Agnès Pannier-Runacher avait cependant appelé à approuver les autres textes. « Il faut avancer là où on peut », avait-elle plaidé.
« Ne nous laissons pas distraire par ces histoires de plafonnement, ce n’est pas ça qui va changer les choses! », avait également exhorté son homologue luxembourgeois Claude Turmes, jugeant que les achats communs de gaz auprès de partenaires « fiables » de l’UE et l’accélération des renouvelables ont au contraire la capacité de modifier « les fondamentaux » du marché.
Les dirigeants des Vingt-Sept, en sommet fin octobre, avaient demandé à Bruxelles de préparer un mécanisme « temporaire » pour plafonner les prix du gaz, mais à la condition expresse que cela ne perturbe pas les approvisionnements du continent et que cela n’incite pas à consommer davantage d’hydrocarbures –des garde-fous exigés notamment par l’Allemagne, très rétive, comme les Pays-Bas, à toute intervention sur les marchés.
« Nous avons reçu des instructions très claires sur la nécessité d’éviter les effets indésirables, et c’est ce que nous avons fait », s’est défendue jeudi la commissaire à l’Energie, Kadri Simson.
« La proposition va dans la bonne direction. Nous sommes prêts à négocier (…) mais si le plafonnement est excessif, nous n’aurons plus d’approvisionnements et plus de gaz », en raison de la concurrence d’acheteurs asiatiques offrant des prix plus élevés, a réaffirmé le secrétaire d’Etat allemand Sven Giegold.