L’UE a lancé vendredi un site cartographiant ses différents régimes de sanctions, qui s’afficheront après un simple clic sur le pays ciblé ou grâce à des filtres thématiques (embargo sur les armes, pétrolier, etc.) afin d’aider les entreprises européennes à s’y retrouver.
Cette base de données, consultable sur sanctionsmap.eu, a été mise en ligne à l’occasion d’un sommet des dirigeants européens à Tallinn. Elle a été conçue par l’Estonie qui préside l’Union jusqu’en décembre. « Le cadre juridique du régime de sanctions de l’UE repose sur 500 à un millier d’actes juridiques, ce qui fait que tout cela est assez difficile à comprendre », a expliqué Juuli Hiio, une diplomate estonienne à l’origine du projet. « Cela entraîne un comportement de censure excessive parce des entreprises craignent d’exporter quoi que ce soit vers certains pays » dès qu’ils sont visés par des sanctions, alors même que celles-ci sont toujours limitées à certains secteurs.
Groupes terroristes, États, institutions…
Pour ajouter à la « confusion », certains États, comme la Moldavie, sont listés par l’UE comme des pays ciblés par des mesures punitives, même si en fait aucune sanction n’est aujourd’hui d’actualité. « Mais si vous n’êtes pas au fait de cela, cela vous dissuade de faire des affaires avec ce pays, car vous ne savez pas si cela aura un impact sur votre activité », relève la diplomate estonienne.
Les sanctions de l’UE sont considérées comme le bras armé de la diplomatie européenne, parce qu’elles sont décrétées – au nom de ses 28 États membres – en riposte aux menaces pour la sécurité ou en cas de graves violations des droits de l’homme. L’UE a mis en place une quarantaine de régimes de sanctions, visant des États, de l’Afghanistan au Zimbabwe en passant par la Corée du Nord ou la Syrie, mais aussi des « organisations terroristes » comme le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), Al-Qaïda ou l’État islamique (Daech).
Ils se traduisent soit par le placement de responsables et d’ « entités » (des entreprises, partis ou institutions) sur une « liste noire », ce qui entraîne un gel de leurs avoirs dans l’UE et une interdiction de pénétrer sur le territoire de l’Union. D’autres mesures, dites « restrictives », interdisent d’investir ou de commercer avec des secteurs très divers. Ainsi, dans le cas des lourdes sanctions imposées par l’UE à la Russie pour son soutien présumé aux séparatistes prorusses en Ukraine, il est interdit aux Européens de faire affaire avec des banques, des entreprises pétrolières et de défense, ou d’investir dans le secteur financier russe.
Utile certes, mais est-ce dissuasif ?
En ce qui concerne la Corée du Nord, il est évidemment banni d’y exporter des armes ou du matériel (même civil) pouvant servir à fabriquer une bombe nucléaire, mais également des produits de luxe ou d’y acheter du charbon et de l’acier.
Sur le site de l’UE, « vous pourrez juste cliquer sur un pays de la carte et immédiatement visualiser s’il y a tel ou tel type de sanction » et les actes juridiques pertinents seront alors accessibles en un tour de main. « Il sera donc plus facile de vérifier si cela touchera votre activité », précise Juuli Hiio.
Le site, constamment mis à jour, « sera probablement utile », estime David Cortright, spécialiste des sanctions internationales à l’institut américain Kroc d’études pour la paix. Mais, pointe-t-il, le principal défi reste que nombre d’entreprises, même parfaitement au courant des sanctions, font tout pour les contourner. « Le vrai problème, c’est le manque de respect » des sanctions. « Les entreprises sont toujours à la recherche de failles pour faire du commerce d’une façon ou d’une autre (…) Les cibles visées changent de nom ou sont incorporées à d’autres entreprises sous un autre nom, donc il est difficile de les traquer », explique David Cortright.
La Corée du Nord, isolée en raison des sanctions internationales très sévères qui la frappent pour ses essais nucléaires et balistiques, « est passée maître dans cet art », ce qui lui a permis de continuer à développer une bombe H, selon l’expert. Les risques financiers sont pourtant importants. La banque française BNP Paribas avait écopé il y a trois ans d’une amende de 8,9 milliards de dollars aux États-Unis pour avoir violé des embargos américains contre le Soudan, Cuba et l’Iran.
Le Quotidien/AFP