La Russie, déjà condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour des arrestations de l’opposant Alexeï Navalny, a une nouvelle fois été épinglée mardi par la CEDH pour l’avoir assigné à résidence en 2014 et lui avoir imposé des restrictions.
Ces mesures, imposées au principal opposant à Vladimir Poutine, visaient à « restreindre ses activités publiques », a jugé la CEDH, qui a condamné Moscou à lui verser 20 000 euros pour préjudice moral.
« On ne peut pas vraiment être d’accord », a réagi le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, qualifiant la décision des juges européens d' »assez inattendue ».
Alexeï Navalny a aussitôt salué la condamnation de Moscou, la deuxième prononcée par la CEDH en cinq mois en sa faveur. « Victoire », a-t-il réagi sur son compte Instagram, estimant que « cette décision aura des conséquences importantes pour tous ceux en Russie qui subissent en permanence un tel arbitraire ».
Dans son arrêt, la CEDH a jugé que « l’assignation à résidence n’était pas justifiée ». « Il est manifeste que le traitement dont il a fait l’objet visait à restreindre ses activités publiques », a noté la Cour, constatant la violation des articles 5 (droit à la liberté et à la sûreté), 10 (liberté d’expression) et 18 (limitation de l’usage des restrictions aux droits) de la Convention européenne des droits de l’homme.
« Étouffer le pluralisme »
« Ces mesures poursuivaient le même but consistant à étouffer le pluralisme politique et avaient un but inavoué », a ajouté la Cour.
Moscou avait imposé en 2014 une assignation à résidence à Alexeï Navalny dans le cadre d’une enquête ouverte deux ans auparavant contre lui et son frère Oleg, pour escroquerie envers les sociétés Multidisciplinary Processing et Yves Rocher Vostok, et blanchiment de produits de transactions illégales.
Cette mesure avait été motivée par l’arrestation à deux reprises en mai 2012 d’Alexeï Navalny, pour s’être rendu au jugement de personnes ayant participé à un rassemblement politique en mai 2012 et avoir participé à une manifestation statique, sans demander l’autorisation comme l’exigeait l’enquête pénale.
Son assignation à résidence avait été prolongée à plusieurs reprises et avait duré dix mois.
Le militant anticorruption, âgé de 42 ans, devait porter un bracelet électronique, avait interdiction de parler à d’autres personnes que ses proches, sa famille et ses avocats, d’écrire et de recevoir du courrier, de communiquer sur internet et avec les médias. Les mesures concernant sa communication et ses déclarations publiques avaient été assouplies en août et octobre 2014.
En janvier 2015, Alexeï Navalny avait annoncé mettre fin à son assignation à résidence en l’absence de notification écrite d’une prolongation dans le délai prévu par la loi. Il avait brisé son bracelet électronique et s’était rendu à son bureau sans être arrêté ni sanctionné.
L’opposant russe avait introduit une requête auprès de la CEDH le 6 juin 2014, jugeant que son assignation à résidence était « inutile et arbitraire ».
Il estimait aussi que « les mesures prises contre lui avaient visé à l’empêcher de poursuivre ses activités publiques et politiques » et qu’elles avaient été motivées « par des considérations politiques ».
En novembre dernier la CEDH avait déjà condamné la Russie pour les multiples arrestations à caractère « politique » de l’opposant russe.
Le militant, avocat de profession, avait introduit cinq requêtes devant la Cour européenne concernant sept arrestations par la police russe entre 2012 et 2014, en marge de rassemblements politiques contre le gouvernement.
La CEDH, qui siège à Strasbourg, est chargée de veiller au respect de la Convention européenne des droits de l’homme. Celle-ci a été ratifiée en 1998, deux ans après son adhésion à l’oganisation paneuropéenne du Conseil de l’Europe.
En France, une information judiciaire pour « dénonciation calomnieuse » visant la société de cosmétiques Yves Rocher a été ouverte à la suite d’une plainte déposée par Alexeï et Oleg Navalny, a-t-on appris de source judiciaire fin mars.
AFP