La Commission européenne a publié mercredi son projet de « loi climat » pour l’UE qui entérine l’objectif de neutralité carbone en 2050. Mais ce qu’elle vante comme une première à l’échelle d’un continent a été étrillé par Greta Thunberg.
Tenue décontractée, gourde en inox à la main, la jeune militante suédoise a participé à la réunion de l’exécutif européen mercredi matin, une marque de considération inhabituelle de la part de la Commission. Ce qui n’a pas empêché l’adolescente, quelques heures plus tard devant le Parlement européen, de dénoncer vertement une Union qui « prétend » être un « leader » sur le changement climatique tout en poursuivant une politique favorable aux énergies fossiles. Au même moment, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen assurait que la loi sera le « compas » de l’UE « pour les 30 prochaines années et nous guidera à chaque étape sur la voie d’un modèle de nouvelle croissance durable ».
Pensé comme la référence pour toutes les futures législations de l’Union européenne, le texte transcrit en loi l’ambition d’un niveau d’émissions nettes de gaz à effet de serre égales à zéro d’ici le mitan du siècle — c’est-à-dire un équilibre entre les émissions (réduites le plus possible) et l’absorption de carbone (par des techniques de séquestration). Avant même son discours, celle qui est devenue une icône de la lutte contre le changement climatique avait douché l’enthousiasme de l’exécutif européen. Dans une lettre ouverte publiée sur le site internet Carbon Brief, Greta Thunberg, qui participera à une manifestation vendredi à Bruxelles, avec une trentaine d’autres jeunes militants du climat, avaient fustigé la « capitulation » et « l’arrogance » des législateurs.
Au coeur du « Pacte vert » de la Commission, toute la future législation européenne devra être en ligne avec l’objectif de neutralité. Cette ambition ne fait plus débat au sein des Etats membres. Seule la Pologne, qui tire encore 80% de son électricité du charbon, avait signalé qu’il lui était impossible pour l’instant de donner son blanc-seing à cet horizon 2050. Pour le président de la commission Environnement du Parlement européen, le Français Pascal Canfin (Renew Europe, centristes et libéraux), l’inscrire dans un texte législatif va notamment permettre de « sortir de la situation actuelle où les objectifs climatiques sont pris à l’unanimité du Conseil européen » qui réunit chefs d’Etat et de gouvernement.
Une stratégie qui repose trop sur des technologies encore balbutiantes, pour Greta
La « loi climat » va maintenant faire l’objet d’un dialogue législatif entre le Parlement et les Etats membres. Mais à peine annoncée, elle est déjà largement critiquée. Les jeunes militants du climat déplorent une stratégie qui repose trop sur des technologies encore balbutiantes de capture de carbone et pas assez sur une réduction drastique des émissions. « 2050 c’est trop tard », assure Greenpeace, qui a projeté mardi soir sur la façade de la Commission l’image d’une planète en flammes. Et la bataille s’annonce encore plus âpre sur l’objectif de réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour 2030, en suspens dans le projet de loi et qui nécessitera un amendement. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s’est engagée à la relever à -50%, voire -55%. Ce dernier chiffre a les faveurs du Parlement. Mais pour l’instant la réflexion en suspens, dans l’attente d’une étude d’impact vers l’été. Douze Etats membres – dont la France, les pays scandinaves, ou encore les Pays-Bas et le Luxembourg – ont réclamé un calendrier plus resserré, avec une proposition chiffrée « avant juin 2020 ». L’UE pourrait alors se décider dans les semaines qui suivent et se présenter à la COP26 sur le climat à Glasgow en novembre avec une ambition révisée à la hausse. Pour les Verts au Parlement européen, le « manque d’ambition pourrait faire dérailler l’accord de Paris ». La Commission propose encore de se donner le droit, après 2030, tous les cinq ans jusqu’en 2050, de revoir les objectifs pour ajuster la trajectoire vers la neutralité, sur la base de critères scientifiques. Une initiative qui pourrait irriter les Etats membres.
AFP