L’Iran a emprisonné des journalistes à tour de bras depuis le début en septembre des manifestations qui secouent le pays, et plus largement, le nombre de professionnels des médias détenus dans le monde a atteint un niveau record en 2022, selon le bilan annuel de RSF.
Sur toute la planète, ils sont 533, soit une quarantaine de plus que l’an dernier à la même date (488), où l’on enregistrait déjà un niveau historique de journalistes emprisonnés, selon Reporters sans frontières. Plus de la moitié sont détenus dans seulement 5 pays: la Chine, qui reste « la plus grande prison de journalistes au monde » (110), la Birmanie (62), l’Iran (47), le Vietnam (39) et le Bélarus (31).
L’Iran est le seul pays qui ne faisait pas partie de ce « sombre palmarès » l’an dernier, souligne l’ONG de défense de la liberté de la presse, qui tient ce bilan annuel depuis 1995. La République islamique a en effet incarcéré un nombre de professionnels des médias « sans précédent » en 20 ans depuis le début du mouvement de contestation qui a éclaté en septembre. Trente-quatre nouveaux journalistes ont rejoint les treize qui étaient déjà sous les verrous avant le début des protestations.
« Les régimes dictatoriaux et autoritaires effectuent un remplissage accéléré de leurs prisons en incarcérant des journalistes », a dénoncé Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Au sein de ce bilan mondial global, RSF relève un nombre inédit de femmes journalistes emprisonnées: elles sont 78 (contre 60 l’an passé), ce qui s’explique en partie par « la féminisation croissante de la profession ».
« Les femmes journalistes représentent désormais près de 15% des détenus, contre moins de 7% il y a cinq ans », selon RSF.
Morts en hausse
C’est par exemple le cas des Iraniennes Nilufar Hamedi et Elahe Mohammadi, « qui avaient contribué à attirer l’attention sur la mort de la jeune kurde iranienne Mahsa Amini » et « risquent désormais la peine de mort ». Les manifestations qui secouent l’Iran ont été déclenchées par la mort le 16 septembre de cette jeune femme de 22 ans, après son arrestation par la police des moeurs pour infraction au code vestimentaire strict de la République islamique.
Au total, « l’Iran détient à lui seul 18 femmes journalistes », dont 15 ont été incarcérées depuis le début des manifestations. « Ce chiffre élevé de journalistes détenues montre la volonté des autorités iraniennes de réduire systématiquement les voix des femmes au silence », estime RSF.
L’ONG a décerné lundi son « prix du courage » à l’une de ces femmes journalistes iraniennes, Narges Mohammadi, qui « n’a passé que quelques mois hors de prison » depuis 2011. Hommes et femmes confondus, deux régions du monde concentrent trois quarts des prisonniers: « près de 45% des journalistes sont détenus en Asie et plus de 30% le sont au Maghreb et au Moyen-Orient ». RSF pointe aussi le fait que « la répression s’est fortement accrue en Russie depuis l’invasion de l’Ukraine en février ».
Par ailleurs, le nombre de journalistes tués (57) est également en hausse, notamment à cause de la guerre en Ukraine, alors qu’il était « historiquement bas » en 2021 (48) et 2020 (50). « Sur les 8 journalistes tués depuis le début du conflit ukrainien, 5 étaient des reporters étrangers », note RSF.
Selon l’ONG, « près de 80% des professionnels des médias tués en 2022 ont été sciemment visés en raison de leur profession et des sujets sur lesquels ils travaillaient », comme « le crime organisé et la corruption ».