Depuis quelques jours, le maire de Mytilène, chef-lieu de l’île grecque de Lesbos, multiplie les appels aux calmes et tente de contenir les débordements sur le port, où s’impatientent des centaines de migrants exténués.
Des femmes, leurs enfants dans les bras, de jeunes hommes pieds nus sous un soleil écrasant, le harcèlent de questions concernant leurs papiers. Certains d’entre eux vivent déjà depuis quatre jours dans les rues près du port. Leurs vêtements sèchent sur les balustrades du quai. Les toilettes publiques sont rares et l’accès à celles des cafés avoisinants leur est interdit.
«Le bus de la police portuaire va bientôt arriver pour vous transférer dans le centre d’accueil et là, on vous donnera dans les prochains jours les papiers pour aller à Athènes», assure le maire Spyros Galinos. Un conseiller municipal traduit en anglais. «Combien de temps faut-il encore attendre ?», se lamente Yassir, 26 ans, un ingénieur civil de Damas.
En moyenne 300 migrants, parmi lesquels des familles entières, débarquent presque quotidiennement sur les côtes de Lesbos, située dans le nord-est de la mer Égée, à seulement huit miles marins des côtes occidentales de Turquie.
A la belle étoile
Lesbos est une première étape de nombreux immigrants vers une Europe perçue comme un havre de paix. «Nous avons échappé à la mort, n’importe où ailleurs, ce sera mieux, nous voulons vivre en sécurité», explique Yassir. Il y a deux jours, il a sauvé sa nièce de six ans tombée à la mer après que leur canot pneumatique eut chaviré à quelques mètres des côtes de Mytilène, un accident habituel selon les garde-côtes grecs qui les secourent.
Lesbos compte cette année le plus grand nombre d’arrivées parmi les îles grecques, soit 25 000 entre janvier et début juin, cinq fois plus qu’en 2014, selon le directeur de la police portuaire, Nikos Varthis. Elle ne dispose que d’un centre d’accueil officiel, sur les hauteurs de l’île couvertes d’oliviers, à 10 km du port. Financé par l’Union européenne, entouré de barbelés de trois mètres de hauteur, il se veut un centre de haute sécurité mais sa capacité de 600 personnes ne peut pas répondre aux besoins accrus.
Des centaines de familles sont contraintes de dormir à la belle étoile pendant plusieurs jours dans les champs devant le bâtiment, sans être nourries, en attendant d’être reçues dans ce camp. Les plus chanceux sont les Syriens qui bénéficient d’une législation plus souple et ont la priorité. Viennent ensuite les Afghans et la procédure est encore plus longue pour les Pakistanais ou les Somaliens.
Préserver une image « digne » de l’île
Pour répondre à l’urgence de la situation, la mairie a récemment dû convertir un espace libre en camp provisoire d’accueil à Karatepe, à 3 km du port. D’une capacité de 300 personnes, ce camp a accueilli 2 000 migrants, raconte le maire. «Les conditions sont très mauvaises, la nourriture est limite et on n’a pas de sécurité», déplore l’Afghan Ali Bakhshi, 22 ans. C’est dans ce camp qu’une rixe entre Syriens et Afghans il y a quelques jours a poussé 400 Syriens à marcher jusqu’au port pour protester contre des conditions «inacceptables».
Le maire a été alors contraint d’ouvrir les portes d’une piscine désaffectée près du port pour les héberger provisoirement afin d’éviter que les migrants restent sur le quai en pleine saison touristique. Préserver une image « digne » de l’île est la priorité des autorités locales : «Je me bats pour qu’il n’y ait pas de problème (…) environ 80 000 touristes arrivent par an ici et nous voulons multiplier ce nombre», confie le maire, soulignant le manque de coordination entre les autorités et les ministères en charge de l’immigration.
«Il faut une intervention centrale et le problème doit être géré par le gouvernement», estime Benedetta Marcaccini, une responsable du Haut commissariat aux Réfugies (HCR) en mission pour trois mois sur les îles de la région. Mais en pleine crise financière, la Grèce est incapable de contrôler la situation. «On essaie de gérer un problème européen, dit le maire. Jusqu’ici on avait la bombe financière, les négociations avec l’Europe, et maintenant dans l’autre main on tient la bombe migratoire.»
Le Quotidien/AFP