Bruxelles et Paris ont mis vendredi la pression sur l’Italie pour qu’elle prenne une décision sur la construction du tunnel ferroviaire du Lyon-Turin sous les Alpes, alors que la coalition italienne s’écharpe sur le sujet.
Peu après la ministre française des Transports, Elisabeth Borne, qui avait appelé Rome à prendre une décision « maintenant », la Commission européenne a mis en garde le gouvernement italien quant à la possibilité de lui réclamer le remboursement d’une partie des aides versées par l’UE. « La Commission ne peut pas exclure qu’elle doive demander à l’Italie de rembourser la contribution (…) déjà versée si elle n’est pas raisonnablement dépensée », a affirmé un des porte-parole de l’exécutif européen, Enrico Brivio. « Nous sommes déjà en retard par rapport au calendrier convenu, de sorte que plus le temps passe, plus le risque est grand que certains fonds soient réaffectés », a-t-il encore ajouté, sans évoquer de montant ni fixer de date précise.
«Il y a des financements européens à la clef»
Vendredi matin, Elisabeth Borne a assuré que la France respectait « clairement le temps qu’ont souhaité prendre nos partenaires italiens ». « Mais aujourd’hui, on dit clairement aussi aux Italiens qu’il faut que cette décision vienne », a-t-elle déclaré. « Il y a des financements européens à la clef (…). Il faut qu’une décision intervienne maintenant pour qu’on ne perde pas ces financements », a expliqué la ministre, rappelant que le projet est censé être financé à 40% par l’Union européenne.
Contestée depuis ses débuts il y a près de trente ans, la liaison Lyon-Turin divise profondément la coalition populiste au pouvoir à Rome. La Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini est très favorable à ce projet, cher à sa base de petits entrepreneurs, tandis que le Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème) de l’autre vice-Premier ministre, Luigi Di Maio, y est farouchement opposé et y voit un gaspillage d’argent public.
Un tunnel de 57,5 km évalué à 8,6 milliards d’euros
Un rapport rendu public mardi côté italien estime que le Lyon-Turin « présente une rentabilité très négative », avec des coûts supérieurs de sept milliards d’euros à ses bénéfices d’ici à 2059. Mais ce rapport a été immédiatement rejeté par les partisans du projet, qui soulignent qu’il émane d’opposants notoires prenant en compte, par exemple, le manque à gagner pour l’État italien en termes de taxes sur le carburant et de péages autoroutiers si le nombre des camions traversant les Alpes devait diminuer – ce qui est le but-même du tunnel.
Le coût de ce tunnel long de 57,5 km a été évalué à 8,6 milliards d’euros, dont 2,5 milliards ont déjà été investis. La part du ferroviaire n’est que de 8% dans les échanges entre la France et l’Italie contre 70% entre la Suisse et l’Italie, a remarqué la ministre française, ajoutant que les vallées des Alpes françaises « n’en peuvent plus de voir des camions ».
AFP