Le seul hôpital de Mayotte fait face au désastre provoqué par le cyclone Chido. Après la violence de la catastrophe, le risque épidémique inquiète.
Vitres soufflées, services inondés et matériel détruit: sur une colline surplombant le chef-lieu de l’archipel français de Mayotte, le centre hospitalier de Mamoudzou subit encore les lourdes conséquences du passage du cyclone Chido. Malgré des dégâts considérables, l’établissement continue de fonctionner tant bien que mal. Environ 10 000 naissances par an: la maternité de Mamoudzou est la plus grande de France. Pas étonnant donc que samedi, en pleine crise, quatre accouchements aient eu lieu malgré les conditions chaotiques, raconte Roger Serhal, le chef du service obstétrique de l’hôpital. L’un d’eux nécessitait une césarienne, mais le bloc opératoire était inondé. Après des hésitations, «beaucoup d’efforts et un peu de risque», la mère a accouché par voie naturelle et son bébé est né en bonne santé. Des histoires comme ça, les médecins et les agents de l’hôpital de Mamoudzou en ont à la pelle.
Dans la maternité, des rafales ont arraché une porte, inondant les couloirs et brisant des vitres. Dans la panique, les soignants ont dû mettre une quarantaine de patientes à l’abri dans une petite pièce sécurisée en salle de naissance .Visages marqués, traits tirés et parfois un peu de tension : l’hôpital de Mamoudzou est toujours sur la brèche quatre jours après le passage de Chido. Des secteurs entiers du centre hospitalier de Mamoudzou (CHM) sont toujours inutilisables.
Dans les couloirs du service de grossesse pathologique, des électriciens s’activent pour remettre en état des chambres dans la quasi-indifférence des soignants et des futures mères. Dans le service réanimation, ce sont les fenêtres qui ont été brisées. «L’hôpital a subi de gros dégâts, mais il a continué de fonctionner malgré les difficultés», tient à rassurer le directeur de l’établissement, Jean-Mathieu Defour. Des renforts sont déjà arrivés, leurs lits de camp installés sur les pelouses de l’établissement, et d’autres sont attendus.
La crainte du choléra
Ce qui manque, ce sont les médicaments. Si de premières commandes sont arrivées «très rapidement» après le cyclone, il en faut plus : «Notre stock de médicaments à Longoni a été détruit à 70%», précise M. Defour. Le ministère français de l’Intérieur a fait savoir que «de nombreux services du centre hospitalier de Mayotte sont inopérants» même si le service reprend progressivement, citant les urgences pour lesquelles un poste médical avancé a été installé à l’entrée de l’établissement. Visage marqué par quatre jours de travail sans discontinuer, le responsable du service de réanimation et responsable médical de crise, Vincent Gilles, salue des équipes mobilisées «avec une énergie ahurissante à la hauteur des évènements».
Dans les premières heures après le cyclone, ses équipes ont accueilli les blessés en urgence absolue. Puis est venue la traumatologie, les fractures. «Maintenant, on a davantage de maladies chroniques, des gens qui n’avaient pas accès aux soins, et c’est ce qui est en train de monter très fort», explique le médecin. Les communications n’ayant pas été rétablies, certains employés sont toujours injoignables. Trois cents environ sur les 3 000 agents que compte le CHM, qui dispose de plusieurs antennes dans différents secteurs de Mayotte.
Certains agents laissent aussi voir leurs états d’âme, voire leur envie de partir : beaucoup ont perdu leur maison dans le cyclone mais sont au travail depuis quatre jours, sans perspective d’amélioration. Des problèmes de sécurité sur certains sites du CHM, avec des tentatives de pillage, ont été relevés. Les problèmes du CHM ne sont pas nouveaux: en juin, une cinquantaine de médecins en blouses blanches avaient manifesté devant l’établissement pour alerter sur le manque de soignants, dénonçant des nuits sans médecins au SAMU (service d’aide médicale d’urgence, NDLR).
Mais cette crise va durer. «Là où ça va être chaud, c’est dans les semaines qui viennent avec les maladies gastro-entérites, les questions d’hygiène», souffle un médecin. Dans une aile du CHM, la tente d’accueil des patients suspectés de choléra – l’épidémie a été déclaré terminée en juillet à Mayotte – est en train d’être remontée.