L’extrême droite est arrivée largement en tête dimanche du premier tour de l’élection présidentielle en Autriche, les partis social-démocrate et conservateur réunis au sein d’une grande coalition depuis 2008 étant pour la première fois éliminés d’entrée.
Le candidat du parti FPÖ, Norbert Hofer, a obtenu 36,4% des voix, réalisant le meilleur résultat de cette formation depuis la guerre à une élection nationale en Autriche, selon les résultats officiels. Un écologiste, Alexander Van der Bellen, se hisse pour la première fois au second tour avec 20,4% des suffrages, aux dépens d’une candidate indépendante, Irmgard Griss (18,5%).
Le candidat social-démocrate Rudolf Hundstorfer (SPÖ) et le conservateur Andreas Khol (ÖVP) sont éliminés avec 11,2% des voix seulement chacun. «C’est un résultat historique, qui reflète les qualités de Norbert Hofer, mais aussi une profonde insatisfaction vis-à-vis du gouvernement», a souligné le chef du FPÖ, Heinz-Christian Strache, à la télévision publique ORF.
En France, la présidente du Front national, Marine Le Pen, elle-même donnée en tête pour la présidentielle de 2017, a salué un «résultat magnifique», tweetant «bravo au peuple autrichien». «Le national populisme hante l’Europe», a pour sa part estimé Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste français. Même si la fonction du président autrichien est essentiellement honorifique, cet échec représente un réel coup de semonce pour le chancelier autrichien Werner Faymann (SPÖ) et le vice-chancelier Reinhold Mitterlehner (ÖVP), dont les mandats courent jusqu’en 2018.
Ces deux partis ont toujours contrôlé la présidence depuis la Seconde guerre mondiale, soit avec un élu issu de leurs rangs, soit avec un indépendant qu’ils soutenaient. M. Faymann s’est déclaré «attristé» du résultat et a assuré que le gouvernement travaillerait encore «plus dur». M. Mitterlehner a relevé que les partis au pouvoir payaient le prix de «la peur du déclassement» d’une partie de la population et «d’une ambiance générale hostile à l’establishment».
Pas de consigne de vote
Discret vice-président du parlement, Norbert Hofer, 45 ans, se veut une incarnation de l’aile libérale du FPÖ, l’ancienne formation de Jörg Haider, loin des dérapages qui avaient marqué la campagne de sa collègue Barbara Rosenkranz en 2010. Benjamin des candidats, cet ingénieur aéronautique réputé pour sa courtoisie et partiellement handicapé à la suite d’un grave accident de parapente, a particulièrement séduit l’électorat jeune, selon les analyses.
Son avènement consacre la montée en puissance du FPÖ alors que la coalition gouvernementale est chahutée par la crise des migrants et la montée du chômage dans ce pays prospère. Le parti a déjà dépassé la barre des 30% des suffrages à plusieurs scrutins régionaux l’an passé. M. Van der Bellen, un ancien professeur d’université de sensibilité centriste, portera les espoirs du camp de gauche et de la droite modérée au second tour, prévu le 22 mai. Théoriquement indépendant, il est soutenu par les Verts, un parti qu’il a longtemps dirigé.
Mais il aborde cette échéance avec un handicap arithmétique de 16 points, d’autant plus lourd à surmonter qu’aucun des partis n’a émis de consigne de vote. M. Faymann a toutefois indiqué qu’«à titre personnel», il voterait pour M. Van der Bellen, «un homme d’équilibre». Mme Griss, une ancienne présidente de la Cour suprême inconnue du grand public il y a encore peu, a indiqué qu’elle se laissait «le temps de la réflexion».
Le président autrichien, élu pour un mandat de six ans renouvelable une fois, ne participe pas à la gestion au quotidien du pays et est réduit d’ordinaire à un rôle protocolaire et moral. Il dispose toutefois de pouvoirs formels étendus : il est chef des armées, nomme le chancelier et peut dans certaines circonstances dissoudre le parlement.
Au cours de sa campagne, M. Hofer a ouvertement menacé, s’il était élu, de recourir à cette possibilité si la majorité ne suivait pas ses recommandations concernant notamment le dossier des migrants. De son côté, M. Van der Bellen a annoncé qu’il refuserait de nommer chancelier le chef du FPÖ, Heinz-Christian Strache, même si ce dernier obtenait la majorité au parlement lors des prochaines législatives.
Quelque 10% des électeurs ayant demandé à voter par correspondance, le résultat officiel définitif de ce premier tour ne sera pas connu avant lundi soir.
Le Quotidien/AFP