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Levothyrox : la justice française va trancher sur l’indemnisation des victimes


Mise sur le marché au printemps 2017, la nouvelle formule du Levothyrox a été incriminée par quelque 31 000 patients victimes d'effets secondaires. (illustration AFP)

Les utilisateurs du Levothyrox ont-ils été suffisamment informés sur le changement de formule du médicament de Merck, soupçonné de leur avoir occasionné des troubles ? La justice tranche mardi dans le volet civil de ce vaste dossier.

A l’audience, le 3 décembre près de Lyon où le groupe pharmaceutique allemand a son siège français, les avocats de 4 113 malades de la thyroïde ayant utilisé ce traitement ont réclamé une indemnisation de 10 000 euros pour chacun d’eux.

« J’accuse Merck de savoir que le changement de formule allait avoir des conséquences néfastes, de faire peu de cas des malades et de privilégier les intérêts financiers de ses actionnaires », a lancé Me Christophe Lèguevaques devant le tribunal d’instance, délocalisé pour l’occasion dans un centre de congrès à Villeurbanne en raison d’une nombreuse assistance – quelque 200 requérants étaient présents au procès, en majorité des femmes.

« Depuis le début, nous disons que le sujet ce n’est pas le médicament mais l’information autour du médicament », a poursuivi Me Lèguevaques.

Mise sur le marché au printemps 2017, une nouvelle formule du Levothyrox, prescrit contre l’hypothyroïdie et fabriqué par le laboratoire Merck Serono, a été incriminée, entre mars 2017 et avril 2018, par quelque 31 000 patients victimes d’effets secondaires (fatigue, maux de tête, insomnies, vertiges, etc.).

Le fabricant nie toute sous-information : un plan de communication « extrêmement large », consistant en l’envoi de « 300 000 communications par courrier, fax et mail auprès de 100 000 professionnels de santé », avait été engagé au moment du lancement en France, fait-il valoir.

L’un des avocats du laboratoire, Me Jacques-Antoine Robert, a assuré dans sa plaidoirie que « pas une réglementation n’a été violée », tout en critiquant l’action collective lancée par la partie adverse. « Dans 200 dossiers, il y a zéro pièce. Des milliers d’autres sont incomplets et pour 800, il y a lieu de se poser la question », a estimé le conseil, hué à la clôture des débats.

Mystère toujours entier

Selon l’agence du médicament (ANSM) qui avait réclamé la nouvelle formule du Levothyrox à Merck dès 2012 – afin, selon elle, de rendre le produit plus stable – quelque 2,2 millions de malades de la thyroïde suivent ce traitement.

Avec l’ancienne formule, la teneur en lévothyroxine (une hormone de synthèse) pouvait varier d’un lot à l’autre, voire au sein du même lot avec le temps. Le changement apporté ne porte pas sur le principe actif mais sur d’autres substances, les excipients. Principale modification : le lactose a été remplacé par le mannitol, très courant dans l’alimentation et d’autres médicaments.

Trois rapports de pharmacovigilance successivement remis à l’ANSM n’ont pas permis de percer le mystère des effets indésirables dénoncés par les victimes.

Le 20 décembre, le ministère de la Santé a fait état d’une étude selon laquelle la prise du nouveau Levothyrox n’a pas entraîné « d’augmentation de problèmes de santé graves » mais s’est traduite par une « augmentation notable » des consultations médicales. Il a ajouté que des analyses réalisées par l’ANSM sur de nouveaux lots de médicaments confirmaient leur « bonne qualité ».

Autant de conclusions contestées par l’Association française des malades de la thyroïde, pour qui le doute doit persister compte tenu de l’ampleur des signalements.

L’affaire fait aussi l’objet, au pénal, d’une information judiciaire contre X instruite par le pôle santé du tribunal de grande instance de Marseille. Ouverte le 2 mars 2018 pour tromperie aggravée, blessures involontaires et mise en danger de la vie d’autrui, elle a été élargie depuis par le parquet au chef « d’homicide involontaire ».

LQ/AFP