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L’Europe de la défense se met en marche


Les investissements en termes de défense se multiplient en Europe. (Photo : afp)

Les nouvelles menaces venant de l’est du continent provoquent de grandes manœuvres dans le domaine de la défense. Les petites entreprises et les fonds d’investissement s’y mettent.

L’Europe de la défense se met en ordre de marche, un mouvement qui enrôle aussi les entreprises du secteur de taille moyenne et les investisseurs, signe d’un changement de cadence. Que ce soit chez le français Dassault, l’italien Leonardo ou l’allemand Rheinmetall, les annonces de commandes ou d’extensions de sites se multiplient chez les mastodontes de la défense depuis des mois, quand les autorités européennes appellent au réarmement. Progressivement, le mouvement touche aussi les petites entreprises, et les fonds d’investissement se lancent également.

À Bayeux, le spécialiste de l’acoustique Factem – 80 personnes et 17 millions d’euros de chiffre d’affaires – fait partie des 4 500 PME et ETI de la base industrielle et technologique de défense française (BITD), qui regroupe l’ensemble des entreprises contribuant à concevoir et à produire les équipements pour les armées. «Le micro dans le masque du pilote du Rafale, par exemple, vient de chez nous», décrit son PDG Alain Dulac. Le patron, dont la société travaille aussi pour le secteur civil, reconnaît un changement d’ère : «Il y a quelques années, la défense n’était pas dans l’air du temps. Aujourd’hui, les banques et le monde financier sont plutôt enclins à la soutenir.» Un mouvement progressif, nuance-t-il, puisque toutes les entreprises ne bénéficient pas encore de cet essor.

Les États mettent la main au portefeuille

Les gouvernements européens sont en tout cas prêts à mettre la main à la poche. En 2024, les dépenses de défense des pays de l’UE ont atteint 343 milliards d’euros, en hausse pour la dixième année consécutive. En 2025, elles devraient grimper à 381 milliards d’euros, selon l’Agence européenne de défense. «L’augmentation des dépenses de défense, je ne la considère pas comme un sujet de débat politique, mais comme une nécessité», commentait récemment le ministre de la Défense italien, Guido Crosetto, au quotidien économique Sole 24 Ore, évoquant «un prérequis pour qu’il y ait la paix en Italie». Le Royaume-Uni a lui consacré 60,2 milliards de livres (68,6 milliards d’euros) à la défense en 2024 et vise 73,5 milliards en 2028.

Selon un récent rapport du cabinet EY-Parthenon et de DekaBank, au cours des dix prochaines années, les pays européens membres de l’OTAN vont augmenter massivement leurs dépenses de défense, les dépenses directes devant atteindre 3,5% du produit intérieur brut, environ 770 milliards d’euros par an. Encore faut-il des investisseurs prêts à financer des PME qui n’ont pas les mêmes trésoreries que les grands noms du secteur et qui doivent s’endetter pour augmenter les cadences de production. Pour ce chef de PME allemande, qui veut rester anonyme, la question est centrale. Son entreprise, qui fournit notamment Rheinmetall, a enregistré une telle augmentation de ses commandes que son bénéfice doublera cette année et qu’il envisage de construire un nouveau site de production, dépeint-il. «Mais traditionnellement, en Allemagne, les banques sont peu disposées à prêter pour ce secteur», dit-il. Le dirigeant a donc commencé à prospecter auprès des fonds consacrés à la défense, qui commencent à apparaître.

«Évolution dans l’opinion publique»

À l’instar de celui récemment créé pour les particuliers par BpiFrance, avec pour objectif la levée de 450 millions d’euros. Adeline Lemaire, qui le pilote, dit voir une «évolution dans l’opinion publique et aussi dans la façon dont les grands investisseurs institutionnels se déterminent» sur ce sujet. Pour elle, ces derniers commencent à considérer «l’enjeu de la sécurité et de la souveraineté comme un prérequis pour pouvoir continuer à penser à un développement économique sain». D’autres sont sur les rangs. Selon la société d’investissement britannique Heligan, les financements des start-up de la défense et de la sécurité par des fonds privés ont atteint l’an dernier un niveau record de 5,2 milliards de dollars (4,4 milliards d’euros), multiplié par cinq en six ans. Le français Sienna IM veut, lui, lever jusqu’à 1 milliard d’euros pour son fonds dédié, qui doit abonder aux deux tiers des entreprises françaises.

«En tout, quelque 12 000 entreprises travaillent dans le secteur en Europe», rappelle Laurent Dubois, de Sienna IM, pointant du doigt de gros besoins pour acheter de nouvelles machines de production et embaucher de nouveaux salariés. Dans tous les cas, soutient-il, «c’est une vraie opportunité : il est rare d’avoir une telle visibilité sur trois, quatre ans».

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