Les enfants et petits-enfants d’exilés qui ont dû fuir le régime de Franco peuvent obtenir le passeport espagnol. Plus de 2 millions d’entre eux ont déjà fait la démarche.
Plus de 2 millions de personnes ont demandé un passeport espagnol grâce à une loi voulant réparer l’injustice subie par leurs ancêtres exilés, et leur permettant de faire le chemin inverse de leurs parents et grands-parents, contraints de fuir l’Espagne pour des raisons politiques. Selon le Conseil général de la citoyenneté espagnole à l’étranger (CGCEE), 2,3 millions de dossiers ont été déposés au titre de cette loi dite «des petits-enfants», dont un million en Argentine, le pays où le plus grand nombre de demandes a été enregistré. «Cuba, le Mexique, le Venezuela et le Brésil se distinguent également», a poursuivi cet organe consultatif rattaché au secrétariat d’État aux Migrations, qui prévoit que le traitement de toutes ces requêtes pourrait prendre «entre 3 et 4 ans».
«Étant donné que l’on rejette habituellement un pourcentage très faible (de demandes), de l’ordre de 1 à 2%, nous pourrions nous acheminer vers un doublement du nombre des citoyens espagnols vivant à l’étranger», a déclaré Violeta Alonso, présidente du CGCEE, citée par le quotidien La Nueva España. Avec la validation de ces demandes, c’est non seulement l’importance de la diaspora espagnole qui pourrait bondir, mais aussi la population du pays, qui compte actuellement 49,1 millions d’habitants.
«Solder une dette»
La loi de Mémoire démocratique, portée par le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez et adoptée en 2022, a accordé le droit à la nationalité aux enfants et petits-enfants d’Espagnols qui l’avaient perdue ou qui y avaient renoncé en s’exilant «pour des raisons politiques, idéologiques ou de croyance, ou d’orientation et d’identité sexuelles». Concernés au premier chef, les républicains partis après la victoire des troupes de Franco lors de la guerre civile (1936-1939) : les chiffres varient selon les historiens, mais on estime généralement à un demi-million le nombre de personnes qui ont alors quitté l’Espagne. Le chemin de l’exil passait souvent par la France, et se terminait fréquemment en Amérique latine. Mais cette loi, destinée selon le gouvernement à «solder une dette» avec le passé franquiste de l’Espagne et qui inclut de nombreuses autres mesures, ne s’adresse pas uniquement à eux.
Ainsi, le grand-père de Juan Pablo Ferreiro, un anthropologue argentin de 66 ans qui vit à Jujuy (nord) et a demandé la nationalité espagnole, est parti en Argentine pour ne pas être enrôlé dans les sanglantes guerres coloniales que l’Espagne livrait au Maroc dans le premier quart du XXe siècle. «Je me considère comme un Galicien de la diaspora», explique Juan Pablo Ferreiro, dont l’aïeul était originaire d’Ortigueira, un village de Galice, dans le nord-ouest de l’Espagne. «Je veux garder le lien, surtout avec la Galice. Mais je le fais aussi pour mes filles, afin qu’elles aient un outil de plus pour se déplacer», précise-t-il encore. Au-delà de raisons sentimentales ou familiales, un passeport espagnol ouvre en effet les portes de l’Europe, qui peut représenter une issue en cas de grandes crises comme celles que connaît de façon récurrente l’Amérique latine.