Dans l’UE, l’Espagne fait figure de leader de la vaccination contre le Covid grâce à une confiance inébranlable de la population dans son système de santé et les vaccins, mais aussi une forte solidarité familiale.
L’Espagne a déjà complètement vacciné environ 61% de sa population, contre près de 58% en Italie, 56% en France et 55% en Allemagne, d’après des chiffres établis à partir de sources officielles. Hors UE, elle fait également mieux que le Royaume-uni (58,5%) et les États-Unis (un peu plus de 50%). En outre, plus de 70% des Espagnols ont déjà reçu au moins une dose, dans le cas des vaccins qui en nécessitent deux.
L’un des « éléments clé » du succès de la campagne de vaccination en Espagne a été « la confiance dans le système de santé », explique Josep Lobera, professeur de sociologie à l’Université autonome de Madrid. Membre du comité national pour la stratégie de vaccination, il a été chargé par les autorités d’étudier comment les Espagnols allaient accepter le vaccin. Ses collègues et lui ont constaté qu’ils étaient « avantagés par rapport à d’autres pays, car la confiance dans les vaccins en général, et dans les vaccins infantiles en particulier, était traditionnellement plus élevée que dans les autres pays européens ».
Selon une étude menée dans 15 pays par l’Imperial College London et publiée en juin, 79% des Espagnols avaient confiance dans les vaccins contre le coronavirus, contre seulement 62% des Américains, 56% des Français ou 47% des Japonais.
« Prendre soin » de sa famille
À Madrid, le complexe sportif Wizink a été transformé en centre de vaccination ouvert 24h/24h. Un matin d’août, le soleil de plomb habituel à cette époque de l’année ne dissuade pas une longue file de personnes d’apparence jeunes qui attendent patiemment pour recevoir leur seconde dose. « J’ai confiance à 100%, à 200% » dans le système de santé, lance Inés Gómez Calvo, graphiste de 28 ans. Pour Alejandro Costales, un avocat de 30 ans, le vaccin signifie « prendre soin » de sa famille, « avoir la garantie d’aller chez soi, de revenir et de ne pas les infecter ».
Nul besoin en Espagne de recourir à l’obligation de la vaccination. « Nous n’avons pas eu à adopter cette mesure, car pratiquement tous les enseignants, et pratiquement tous les citoyens, se font vacciner volontairement », a commenté lundi la ministre de l’Éducation, Pilar Alegría.
Le professeur Lobera explique cette attitude par le fait que les Espagnols associent le système de santé publique à la modernité, dans un pays qui en avait grand besoin à la mort du dictateur Francisco Franco en 1975.
Les liens familiaux jouent aussi un rôle primordial, dans un pays où plus de la moitié (55%) des 25-29 ans vivaient encore chez leurs parents en 2020, d’après l’Institut national de la statistique. Le sociologue estime qu’il s’agit d’une question culturelle, mais aussi économique, car « les jeunes ont beaucoup plus de difficultés à devenir indépendants, il y a une plus grande précarité de l’emploi, et cela signifie que la famille a joué le rôle de bouée de sauvetage » dans les crises.
Le traumatisme de la polio
Les Espagnols les plus âgés gardent aussi en mémoire les ravages causés à des milliers d’enfants nés entre 1955 et 1965 par le retard de la vaccination contre la polio. Alors que dans de nombreux pays la vaccination avait commencé au milieu des années 1950, il a fallu attendre près de dix ans de plus en Espagne. Une négligence dissimulée par la censure de l’époque, qui a récemment conduit le gouvernement à reconnaître les personnes qui en ont souffert comme des victimes du régime de Franco.
« Ce fut une situation absolument désastreuse », se souvient Javier García, président de l’association Cota Cero et lui-même victime de la polio. Aujourd’hui âgé de 60 ans et en fauteuil roulant, il n’a pu se tenir debout avant l’âge de quatre ans et a subi 17 opérations des jambes dans son enfance. Alors, sur le vaccin contre le coronavirus, il est catégorique : « Il est important que tout le monde le reçoive, et le plus tôt sera le mieux ».
LQ/AFP