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Les tunnels tombent en ruine à Bruxelles


Embouteillages à Bruxelles, le 24 février 2016 à la suite de la fermeture du tunnel Montgomery pour travaux. (Photo : AFP)

«Chaque matin, je perds au moins une demi-heure !», peste Chloé, jeune Française domiciliée à Bruxelles, où la fermeture depuis le début de l’année de plusieurs tunnels routiers instables a encore accentué les graves problèmes de circulation.

«On a atteint un paroxysme. Depuis que le tunnel Montgomery a fermé, les embouteillages vont jusque dans ma rue, qui est devenue une voie de contournement pour automobilistes», bougonne la jeune femme. Le tunnel en question, situé sous le rond-point Montgomery, est l’un des principaux axes d’entrée dans Bruxelles depuis la périphérie. Il draine habituellement plus de 3 000 véhicules par heure matin et soir, mais toute circulation y est interdite depuis la fin février, et en principe jusqu’à cet été, pour raisons de sécurité. Une décision prise dans l’urgence après que des ingénieurs ont constaté que sa dalle s’était affaissée de huit centimètres!

C’est la dernière mauvaise nouvelle d’une longue liste pour les quelque 1,2 million de Bruxellois et 200 000 automobilistes de Flandre (nord) et Wallonie (sud) qui se rendent au travail quotidiennement dans la capitale de l’Europe. Le cauchemar, baptisé «Tunnelgate» par les médias belges, a commencé le 21 janvier avec la publication d’une étude révélant les défauts de sécurité touchant certains des plus emblématiques tunnels de la première ville belge, qui en compte une vingtaine de plus de 100 mètres de long.

Construits entre les années 1950 et 1980, plusieurs de ces artères souterraines ont vu leur stabilité menacée par des infiltrations d’eau et une quasi-absence d’entretien en profondeur. Fin janvier, la condamnation pour plusieurs mois du tunnel «Stéphanie» paralysait les voitures du côté du Palais de Justice et de la très chic avenue Louise. Mi-février, des pierres sont tombées du toit du tunnel «Pachéco», à proximité de l’ancien jardin botanique. Des morceaux de béton ont également chuté de la voûte du «Léopold II», qui avec ses 2,5 km de long est le plus étendu de Belgique. Les deux ouvrages d’art, qui ont rouvert après avoir été brièvement fermés, doivent faire l’objet de rénovations urgentes, comme six autres tunnels de l’agglomération.

Attachés à leur voiture

Cette succession d’incidents ternit un peu plus l’image de Bruxelles et de la Belgique, après la longue crise politique qui avait suivi les élections de 2010 (541 jours sans gouvernement), les failles dans la surveillance des candidats au jihad, les fissures dans ses centrales nucléaires, les fuites d’eau dans les salles de musées bruxellois ou encore les interminables retards dans la mise en place d’un Réseau express régional (RER), attendu depuis 25 ans. «La Belgique s’effrite. Ecoles, routes, transports, culture, hôpitaux. -50% d’investissements publics en 25 ans», accusait en une le quotidien Le Soir dans son édition du week-end.

Déjà considérée comme l’une des villes les plus congestionnées d’Europe, Bruxelles s’est fait épingler par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), selon qui les bouchons dans le pays coûtent chaque année huit milliards d’euros à l’économie belge, soit plus de 2% du produit intérieur brut (PIB) du royaume.

«C’est dans le domaine des infrastructures, des transports et de l’énergie que la Belgique connaît les plus grands retards d’investissement», confirme un rapport récent de la Commission européenne. «Les gens n’osent plus venir, mon chiffre d’affaires a chuté de 20 à 30% depuis la fermeture des tunnels», se plaint Gino Ridene, qui tient une bijouterie dans le quartier Louise. Malgré ça, les Belges restent attachés à leur voiture. Selon un sondage de la chaîne publique RTBF, 56% des automobilistes circulant à Bruxelles n’ont pas changé leurs habitudes après la fermeture des tunnels, tandis que 16% disent privilégier dorénavant les transports en commun.

La gestion des tunnels par le pouvoir politique et l’administration régionale de Bruxelles, «Bruxelles Mobilité», est examinée par une commission du parlement régional qui cherche à déterminer les raisons de leur dégradation. Les débats tournent notamment autour d’un rapport de juillet 2013 soulignant l’urgence d’agir pour «sécuriser les tunnels», mais qui est resté lettre morte.

La saga n’est sans doute pas finie: des «sources proches du dossier» s’inquiètent de l’état du tunnel «Reyers», porte d’entrée importante également pour les automobilistes, dont l’état serait comparable à celui des tunnels «Stéphanie» et «Montgomery».

Le Quotidien/AFP