Les syndicats « inquiets », et les touristes « dévastés » : la fermeture de tour Eiffel lundi, en raison d’une grève reconductible portant sur la gestion du site le plus célèbre de Paris, suscitait colère et incompréhension de visiteurs venus de loin pour la Dame de Fer.
« Mon rêve est brisé. » Assise sur une barrière orpheline de sa file d’attente, Lyra ne se remet pas de trouver porte close à l’une des entrées du célèbre monument. « C’est mon anniversaire aujourd’hui et je voulais vraiment voir la tour Eiffel », explique à l’AFP cette petite Londonienne, d’origine russe et ukrainienne, qui fête ses dix ans ce lundi.
« Il n’y a pas eu un seul message » pour avertir les visiteurs de la fermeture, déplore sa mère, Irina Goncherenko, une autrice de livres pour enfants « vraiment agacée » pour ce qui devait être le « grand jour » de sa fille… leur dernier jour à Paris. « Si nous avions su qu’il y avait un problème avec les employés, nous aurions changé la date », abonde Gabriel Mimica, « surpris » par le mouvement social alors qu’il avait « tout programmé pour aujourd’hui ».
Découvrant Paris pour la première fois avec sa famille, cet Argentin de 42 ans a encore trois jours pour tenter sa chance, mais cela nécessiterait de « renoncer à un autre site », dit-il.
Venus de Pau (sud-ouest) en week-end prolongé, Elie Bou-Khalil et Chama Ghaiti sont « déçus », d’autant qu’ils vont « bientôt avoir plus de 25 ans », et donc voir le demi-tarif jeune – 14,70 euros au lieu de 29,40 pour accéder au sommet – leur échapper. Avec son petit ami, Courtney Scott est « dévastée ». « Nous avons laissé notre bébé chez nous pour nous permettre cette escapade romantique et nous ne pouvons pas monter », déplore cette Irlandaise de 30 ans.
Un modèle « intenable »
Ainsi en ont décidé les deux syndicats du personnel du monument, la CGT et FO, afin de « dénoncer la gestion actuelle qui mène tout droit la Société d’exploitation de la Tour Eiffel (SETE) dans les pires difficultés ». Les deux syndicats visent surtout la mairie de Paris, actionnaire ultra-majoritaire, qui impose selon eux un modèle « intenable » à la société.
En cause, un équilibre entre recettes et dépenses sérieusement mis à mal par la crise du Covid-19, qui a engendré un déficit d’environ 120 millions d’euros sur 2020 et 2021.
Pour faire face, la Sete a bien été recapitalisée à hauteur de 60 millions d’euros la même année, mais « le modèle de base » qui prévoyait une augmentation de la redevance pour la mairie « n’a pas été changé », déplore Alexandre Leborgne, représentant CGT. Les syndicats font aussi part de leur « inquiétude » quant au montant des travaux engagés ces dernières années, « en progression de 128 millions d’euros depuis 2019 ».
Campagne de peinture coûteuse
Malgré les sommes investies, « de nombreux points de corrosion sont visibles, symptômes d’une dégradation inquiétante du monument » vieux de 135 ans, affirment-ils, visant particulièrement la campagne de peinture qui se termine en vue des Jeux olympiques (26 juillet – 11 août).
Celle-ci « a vu ses coûts de réalisation s’envoler », avec « 100 millions d’euros investis » pour « seulement 3 % du monument décapé », fustigent les syndicats. Ils réclament la création d’un « fonds de dotation spécial » pour faire face à de futures « dépenses colossales ».
Sollicitée par l’AFP, la direction de la Sete, qui emploie près de 360 salariés dans le cadre d’un contrat de délégation de service public avec la mairie, n’a pas répondu dans l’immédiat.
6,3 millions de visiteurs en 2023
Inaugurée en 1889 pour l’exposition universelle de Paris, la tour Eiffel est vite devenue un symbole de la capitale et de la France. En 2023, elle a reçu 6,3 millions de visiteurs, soit plus qu’en 2019, avant la pandémie de Covid.
Au printemps 2023, des mouvements de grève lors de la mobilisation contre une réforme des retraites en France avaient entraîné la fermeture pendant dix jours.
Et le 27 décembre, jour du centième anniversaire de la mort du créateur de la tour, Gustave Eiffel, c’est déjà pour dénoncer la gestion « irréaliste » que le monument avait fermé.
Pour les mêmes motifs, la tour restera « probablement fermée toute la journée » lundi, alors que des négociations débutent, indique Alexandre Leborgne. Une nouvelle assemblée générale devrait décider mardi matin de la poursuite ou non du mouvement.