De hauts responsables talibans ont reçu mardi à Kaboul un émissaire britannique, alors que le nouveau régime cherche désespérément à rompre son isolement diplomatique et rassurer la communauté internationale, notamment sur le sujet sensible de l’éducation des filles.
Le nouveau régime islamiste, arrivé au pouvoir en Afghanistan il y a 50 jours, n’a été reconnu par aucun pays à ce jour. Mais face à l’imminence d’une grave crise humanitaire dans ce pays entièrement dépendant de l’aide internationale après vingt ans de guerre, les manœuvres diplomatiques se multiplient pour tenter de trouver de premiers compromis.
L’envoyé britannique pour l’Afghanistan, Simon Gass, a ainsi été reçu mardi à Kaboul où il a rencontré Amir Khan Muttaqi, le ministre des Affaires étrangères, et Abdul Ghani Baradar, le vice-Premier ministre, a indiqué le Foreign Office dans un communiqué. L’émissaire britannique, déjà très actif en coulisses depuis le Qatar, a évoqué avec les responsables talibans « la crise humanitaire qui frappe l’Afghanistan, la manière d’empêcher le pays de redevenir un foyer du terrorisme international, et la nécessité de permettre à ceux qui veulent en partir de le faire », a précisé la diplomatie britannique.
Le porte-parole du ministère afghan des Affaires étrangères, Abdul Qahar Balkhi, s’est lui félicité à travers une série de tweets et de photos de la rencontre qu’elle ait permis « des discussions détaillées sur la relance des relations diplomatiques entre les deux pays ».
Le Foreign Office s’est montré beaucoup plus prudent, en soulignant que les échanges avaient aussi porté sur « la question du traitement des minorités, et des droits des femmes et des filles ». Les Occidentaux ont fait du respect des droits des femmes une de leurs exigences fondamentales pour envisager toute relation durable avec les talibans.
Rentrée soigneusement orchestrée
Ceux-ci ont fait quelques gestes timides visant à les rassurer. Des filles ont fait leur retour dans certains collèges et lycées de la province de Kunduz, dans le Nord de l’Afghanistan, ont annoncé plus tôt dans la journée un responsable taliban et des enseignants, mais cette mesure ne s’applique pas au reste du pays. Sur la vidéo de cette rentrée, postée par un porte-parole du mouvement islamiste, on peut voir des dizaines de jeunes filles. La plupart portent la traditionnelle tenue scolaire des filles afghanes, une longue tunique noire et un foulard blanc, mais d’autres ont revêtu un niqab noir. Elles sont assises sur des bancs et brandissent des drapeaux talibans.
Plusieurs autres établissements de cette région ont aussi rouvert aux filles, ont confirmé plusieurs enseignants et chefs d’établissements locaux.
Mais au-delà de cette rentrée soigneusement orchestrée, à Kaboul un responsable du ministère de l’Éducation, Mohammad Abid, a indiqué que les règles n’avaient pas changé. « Les écoles secondaires restent fermées pour les filles », a-t-il déclaré. À la mi-septembre, les collèges et lycées afghans avaient rouvert, mais seulement pour les garçons. Les filles sont déjà autorisées à aller à l’école dans le primaire et dans les universités privées, mais dans des classes non mixtes et à condition d’être entièrement voilées.
Promesses peu convaincantes
L’absence des filles des écoles secondaires a suscité l’indignation de la communauté internationale, qui craint que les talibans n’imposent le même type de régime fondamentaliste et brutal que lorsqu’ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001. Même si depuis leur retour au pouvoir à la mi-août, les talibans ont tenté de rassurer la population afghane et la communauté internationale en affirmant qu’ils se montreraient moins stricts que par le passé, leurs promesses peinent à convaincre.
Amnesty International a ainsi rapporté mardi le meurtre de 13 Hazaras dans la province centrale de Daykundi le 30 août dernier, dans ce qu’elle a qualifié de « crime de guerre ». Onze des personnes tuées étaient d’anciens soldats du gouvernement, et selon les témoignages recueillis par l’organisation de défense des droits de l’Homme, neuf d’entre eux ont été exécutés après s’être rendus.
LQ/AFP