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Les Suédois au ban d’une Europe qui rouvre ses frontières


Jusqu'à présent, le royaume scandinave, dirigé depuis 2012 par Stefan Löfven, a enregistré plus de 52 000 cas de maladie Covid-19 et 4 891 décès. (Photo : AFP)

Une image qui en prend un coup. Souvent dépeinte comme un modèle d’égalité et de respect des droits, la Suède, qui se distingue par son approche souple face au Covid-19, a contraint de nombreux pays à restreindre l’arrivée des Suédois, devenus indésirables dans une partie de l’Europe.

Alors que de nombreux pays européens rouvraient lundi leurs frontières, au moins sept d’entre eux ont interdits l’entrée aux Suédois – dont leurs propres voisins danois, norvégiens et finlandais, ou encore des destinations ensoleillées comme Chypre et Malte. Cinq autres (Grèce, Pays-Bas, Autriche, Estonie et Lettonie) leur imposent une mise en quarantaine à l’arrivée sur leur territoire. La Suisse a annoncé lundi qu’elle prévoyait de prendre la température des voyageurs en provenance de Suède et de leur faire passer un test si elle était trop élevée.

Jusqu’à présent, le royaume scandinave a enregistré plus de 52 000 cas de maladie Covid-19 et 4 891 décès. Le taux de mortalité compte parmi les plus élevés d’Europe, avec 484,3 morts par million d’habitants, près de cinq fois plus que chez son voisin danois et jusqu’à dix fois plus qu’en Norvège. Se retrouver exclue d’une Europe qui rétablit la libre circulation entre les pays est pour la Suède synonyme d’un saut dans l’inconnu.

Salué pour sa transparence, sa sécurité comme pour ses valeurs progressistes, par trois fois (2016, 2018, 2019), le royaume s’était hissé au premier rang des pays les plus réputés au monde, un classement établi par le Reputation Institute basé à Boston. Aujourd’hui, la stratégie du pays face au nouveau coronavirus laisse les Suédois au ban d’une Europe en sortie de crise. Si certains Suédois ne décolèrent pas, d’autres prennent la nouvelle avec du recul.

« Nous n’avons pas pris le coronavirus au sérieux »

« Je parle avec des gens à travers le monde, tout le temps, ils ne partagent vraiment pas le même avis hostile (à l’égard des Suédois) que celui communiqué par les médias et les politiques », assure Sven Hultin, qui a dû annuler des vacances en Europe cet été. Si, pour ce cadre dans les ressources humaines, les gens « ont peur de nous pour une quelconque raison, c’est leur stratégie de survie et je la respecte ».

« Le virus ne reconnaît pas les frontières ! », tempête de son côté Anna Holmryd, employée de la fonction publique à Stockholm. Contrairement aux dispositifs souvent stricts imposés dans le reste de l’Europe, la Suède, dont la population n’a jamais été confinée, a maintenu ouvertes les écoles (pour les enfants de moins de 16 ans), cafés, bars, restaurants et entreprises, demandant à chacun d’observer les recommandations de distanciation sociale et de « prendre ses responsabilités ».

Parmi les mesures les plus strictes prises figurent l’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes et celle des visites dans les maisons de retraite. Nikola, 39 ans, qui travaille au service clientèle d’une compagnie d’assurances, juge raisonnable de laisser les frontières fermées aux Suédois. Ces pays « ont raison. Nous n’avons pas pris le coronavirus au sérieux par rapport à d’autres pays. Nous avons près de 5 000 morts en Suède – il n’y en a même pas 5 000 dans tous les autres pays nordiques réunis », fulmine-t-il.

« Comparer des pommes avec des pommes »

Si les critiques à l’étranger ont « bien sûr touché l’image de la Suède » – et qu’il y aura moins de touristes que d’habitude cet été– les choses reviendront progressivement à la normale selon Ewa Lagerqvist, responsable de l’office du tourisme national, Visit Sweden. « Beaucoup viennent en Suède parce qu’ils s’intéressent à notre mode de vie, à la nature et à la culture », plaide-t-elle. La ministre suédoise des Affaires étrangères, Ann Linde, se dit pourtant préoccupée par l’image négative de son pays, notamment chez ses voisins nordiques où des liens transfrontaliers forts existent depuis des décennies.

« Il y a soudain des rivalités et des rancunes entre les gens là où il n’y avait même pas vraiment de frontières auparavant », a-t-elle déclaré dimanche au quotidien Dagens Nyheter. Et de poursuivre : « Je m’inquiète de savoir combien de temps ces plaies vont subsister. »Le Premier ministre Stefan Löfven a dans le même temps insisté sur le fait que la stratégie de la Suède n’était pas un échec. Si, ces derniers temps, le nombre de cas a augmenté en raison d’une hausse des tests de dépistage, a-t-il expliqué dimanche à la télévision publique suédoise, « le nombre de personnes hospitalisées pour le Covid-19 est en baisse et le nombre de décès diminue. Les autorités doivent donc commencer à comparer des pommes avec des pommes, plutôt que des pommes et des oranges ».

LQ/AFP

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