Sur le pont de son voilier, bonnet jaune enfoncé sur la tête, Arnaud Boissières entame quelques pas de danse et fait rugir la foule. Un dernier au revoir au public du Vendée Globe avant de s’élancer pour un nouveau tour du monde.
Le long du chenal des Sables d’Olonne, une foule compacte s’est formée avant même le lever du jour. Les skippers défilent un à un, agitent les bras, lancent des olas et essuient parfois une larme.
Dans une légère brume matinale, les quais grouillent de monde et les balcons sont pleins à craquer. Plusieurs centaines de milliers de personnes applaudissent, perchées sur des escabeaux ou tenant à bout de bras des pancartes avec les mentions « Faites nous rêver » et « De tout cœur avec vous ».
Un peu plus tôt, sur le ponton, l’émotion était à son comble. Bonnet jaune assorti à celui de son père, le fils d’Arnaud Boissières, 8 ans, est en pleurs. À genoux devant lui, les yeux fermés et le nez enfoui dans son cou, le marin l’étreint un long moment.
« Ce sont des heures tellement intenses, j’ai une chance incroyable d’être au départ de cette course. Même si je sais que j’emmerde un paquet de monde : mon fils, ma femme, ma sœur, mes parents… », a-t-il déclaré à la presse quelques minutes avant de larguer les amarres. Le skipper sablais de la Mie Câline entame dimanche son cinquième Vendée Globe.
« De l’eau de mer dans les veines »
Un peu plus loin, Tanguy Le Turquais (Lazare) traverse le ponton à grands pas et enjambe un cordon pour embrasser une dernière fois sa compagne, Clarisse Crémer (L’Occitane), également au départ.
De son côté, l’aventurier Guirec Soudée (Freelance.com) est d’humeur guillerette. « Vous avez devant vous un homme heureux, qui va retrouver son élément. J’ai de l’eau de mer qui coule dans mes veines », affirme-t-il.
Dans un sourire, il lance à son équipe technique : « Si j’en suis là, c’est grâce à vous. Mais si je reviens, c’est grâce à moi. »
Les au revoir des skippers à leurs proches se sont enchainés pendant plus de deux heures, sous les applaudissements du public, les accolades des équipes et les encouragements de plusieurs vétérans, comme Armel Le Cléac’h, recordman de vitesse de l’épreuve, ou Catherine Chabaud, première femme à avoir bouclé la course en 1997.
Les skippers du Vendée Globe s’élancent dimanche pour un parcours théorique de 24.300 milles, soit 45.000 km, passant par les trois caps de référence (Bonne Espérance, Leeuwin et Horn). Les plus rapides sont attendus de retour aux Sables d’Olonne à partir du 20 janvier.
« Dépassement de soi »
En 2020-2021, Yannick Bestaven (Maître Coq), l’avait emporté en 80 jours, 3 heures et 44 minutes après un périple à rebondissements marqué par un départ en pleine épidémie de Covid-19 et le naufrage du marin Kevin Escoffier.
« Ces skippers sont des exemples de bravoure, de courage et de dépassement de soi. Ils nous donnent une respiration au milieu de toutes ces nouvelles négatives qui arrivent du monde », a déclaré Maryvonne Robin, 63 ans, jumelles autour du cou, venue de Tours assister au départ.
Au village Vendée Globe, qui a battu son record de fréquentation en trois semaines d’ouverture, des centaines de personnes suivaient dans la matinée la remontée du chenal sur un écran géant.
Parti du ponton dans les premiers aux environs de 8 h 15, Arnaud Boissières haranguait la foule à l’avant du voilier pendant que son préparateur, Jean-Christophe Caso, tenait la barre de l’Imoca. « C’est mon sixième départ de Vendée Globe et l’émotion reste la même », affirme le « boat captain ».
Selon la tradition, à quatre minutes du coup de canon, le dernier équipier présent sur chaque voilier a sauté en mer pour laisser son skipper se rendre seul sur la ligne. Au large des Sables d’Olonne, les voiliers se sont élancés à 13 h 02 pétantes.