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Les Sardines en « campagne électorale alternative » à travers l’Italie


Mattia Santori, l'un des fondateurs du mouvement antifasciste se veut les «oreilles dans une nation qui, plus que de paroles, a besoin d'être écoutée». (photo archives AFP)

Deux minivans, une voiture, des sacs à dos et des tapis de sol : le mouvement de jeunesse des Sardines, engagé contre l’extrême droite, voyage pendant cinq jours à travers l’Italie, afin d’écouter et mobiliser la population avant les élections régionales de septembre.

Masques sur le visage, coronavirus oblige, ils sont une vingtaine jeudi, jour du coup d’envoi de ce « tour ». Âgés en moyenne de 23 ans, ils arborent un t-shirt rouge avec le slogan « moins de selfie, plus de politique ». Souhaitées par les Sardines des régions devant voter en septembre comme la Vénétie et la Ligurie, cette opération se veut une « campagne électorale alternative ». C’est « un voyage à l’intérieur d’une Italie inhabituelle et rarement racontée (…) Nous serons des oreilles dans une nation qui, plus que de paroles, a besoin d’être écoutée », explique Mattia Santori, l’un des fondateurs du mouvement.

Symboliquement, ce tour de 2 000 kilomètres a débuté jeudi après-midi à Fratta Polesine (Nord) dans la maison-musée de Giacomo Matteotti, député socialiste qui n’a pas hésité à dénoncer les méthodes et violences du régime de Benito Mussolini et fut assassiné en 1924 par des fascistes. Il se terminera mardi à la tout aussi emblématique maison-musée de Sandro Pertini, résistant et antifasciste, qui fut président de la République de 1978 à 1985.

Entre ces deux étapes mémorielles, les Sardines iront à la rencontre de travailleurs des champs, clandestins, handicapés ou encore victimes de tremblements de terre et parleront aussi d’écologie ou de droits des personnes. Jeudi soir, à Padoue, ils ont ainsi débattu au cœur du « Pride Village », la plus grande manifestation LGBT en Italie.

Pas un parti, mais un mouvement

Les Sardines ont explosé dans le paysage politico-médiatique à Bologne, le 14 novembre dernier. Ce jour-là, ce mouvement lancé par quatre trentenaires inconnus réunit quelque 14 000 personnes pour faire obstacle au chef de la Ligue (extrême droite) Matteo Salvini aux élections régionales de fin janvier en Émilie-Romagne (nord), traditionnel bastion de la gauche. Après avoir fait éclater son alliance avec le Mouvement 5 Étoiles (M5S, antisystème), Matteo Salvini voulait utiliser ce scrutin comme marchepied pour provoquer la chute de la nouvelle coalition au pouvoir entre le M5S et le Parti démocrate (centre-gauche) et renvoyer les Italiens aux urnes. Mais l’Emilie-Romagne reste à gauche et selon les experts, le jeune mouvement et ses rassemblements festifs à travers l’Italie ont pesé dans la balance.

Après une mise entre parenthèse durant le confinement, où elles ont notamment organisé des soupes populaires, les Sardines entendent retrouver le contact physique pour diffuser leur message. « Les Sardines est un mouvement né pour changer les ressorts de notre société, politique et culture, qui entend remettre au centre la participation (des citoyens), les valeurs de la Constitution, de la République, du respect des autres ethnies et sexes, loin de de la propagande et du racisme alimenté par l’extrême droite » et le populisme, explique Lorenzo Donnoli, un de ses porte-parole.

Pas question pour autant de se transformer en parti : « Nous n’avons pas de candidats et nous n’en aurons pas. Les Sardines ne sont pas nées pour former des listes électorales, mais pour encourager la citoyenneté », souligne Mattia Santori. Pas de consigne de vote non plus, mais les Sardines appellent à « l’unité du camp de gauche et centre-gauche, en oubliant les luttes de pouvoir ».

Matteo Salvini a perdu du terrain durant la pandémie de Covid-19, alors que la gestion de la crise par le gouvernement a été globalement saluée. Le thème de l’immigration est aussi passé au second plan. « Après la grande lutte de ces derniers mois (contre le virus), qui a impliqué des politiques concrètes de gestion, le populisme a perdu un peu de son sexappeal », estime Mattia Santori. Et alors que les experts s’attendent à une crise sociale à l’automne en raison de l’impact économique de la pandémie, il plaide pour un discours politique « sincère » face aux difficultés : « Il faut dire les choses comme elles sont, sans fausses promesses. »

AFP/LQ