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Les réfugiées rohingyas victimes de viols en réunion par des soldats birmans


Les récits des femmes réfugiées au Bangladesh sont très similaires et pointent tous vers l'armée birmane. (photo AFP)

Shamila serre si fort la main de sa fille qu’elle en devient toute blanche en racontant comment des soldats l’ont violée tour à tour devant ses enfants en Birmanie. Un récit semblable à tant d’autres dans les camps de réfugiés du Bangladesh.

Des observateurs de l’ONU expliquent qu’ils ont vu des dizaines de victimes de viols et de viols en réunion parmi les Rohingyas ayant fui les violences ces dernières semaines en Birmanie. Presque toutes ont déclaré que les auteurs étaient des soldats de l’armée birmane.

D’après les spécialistes, il s’agit très vraisemblablement du sommet de l’iceberg. En raison des stigmates attachés au viol chez cette minorité musulmane conservatrice et des difficultés pour survivre, il est probable qu’un grand nombre de victimes ne se font pas connaître.

Shamila (prénom d’emprunt, NDLR) explique qu’elle saignait encore quand elle est arrivée au Bangladesh après trois jours de marche.

« Les trois soldats m’ont tous violée », raconte la jeune femme de 25 ans, les larmes aux yeux, tenant fermement sa fillette de six ans par la main. « Quand ils sont partis, je suis sortie de la maison avec deux de mes enfants et j’ai suivi la foule de gens qui courraient ».

Le mari de Shamila était absent au moment de l’attaque et elle ne l’a plus revu. Elle ne sait pas où sont ses trois autres enfants qui jouaient dehors. Quand les soldats en ont eu fini avec elle, ils avaient disparu.

Ce genre d’histoires abonde parmi les réfugiées depuis la dernière éruption de violences le 25 août. Une mission de l’ONU est en train d’enquêter sur les accusations d’abus des droits de l’homme commis en Birmanie, y compris les violences sexuelles.

Morsures sur les seins et parties génitales

La représentante spéciale de l’ONU sur les violences sexuelles durant les conflits Pramila Patten s’est dite récemment « gravement préoccupée » par la situation. Ces violences sont « utilisées comme outil de terreur pour forcer les populations visées à fuir ».

Les Rohingya, minorité apatride, sont traités comme des étrangers dans la Birmanie à très grande minorité bouddhiste. Ces dernières décennies, des centaines de milliers d’entre eux ont fui mais l’échelle de l’exode actuel est sans précédent. Selon un dernier décompte, ils sont 429 000 000 à s’être réfugiés au Bangladesh.

Les médecins au Bangladesh racontent que les récits des victimes se ressemblent : des soldats ont fait irruption chez elles en l’absence des hommes de la famille et les ont violées devant leurs enfants.

Nourin Tasnupa, qui travaille dans une clinique gérée par l’Organisation internationale pour les migrations de l’ONU (OIM) au camp de réfugiés de Leda, dit que la plupart des victimes qu’elle a eu à soigner ont été frappées avant d’être violées.

Elle raconte avoir vu des femmes présentant des bleus et des traces de morsures sur les seins et les parties génitales. Elle se fonde sur l’expérience du dernier accès de violences en État Rakhine (ouest de la Birmanie) en octobre 2016 pour juger que nombre de femmes restent silencieuses.

Human Rights Watch avait alors estimé que les violences sexuelles « entraient dans le cadre d’une attaque coordonnée et systématique contre les Rohinghyas ».

Des viols « plus opportunistes »

Aujourd’hui, les victimes de viols semblent moins nombreuses, selon les experts de l’ONU qui soulignent cependant qu’en raison du chaos ambiant, l’ampleur véritable du fléau est impossible à déterminer. « En ce moment, c’est le combat pour la survie », déclare Irine Loria, chargée des violences sexistes à l’OIM. Elle dit que cette fois-ci, les viols semblent être différents par nature, plus opportunistes. « Avant, le viol semblait être un outil. Les gens étaient mis nus en public, humiliés », explique-t-elle. « Cette fois, on dirait que le but c’est de les chasser le plus vite possible ».

Le témoignage d’Ayesha, 20 ans, semble conforter cette version des faits. La jeune femme s’est rendue à la clinique de Leda une semaine après son arrivée au Bangladesh. Quand les soldats sont arrivés dans son village de la commune de Buthidaung, dans le nord de Rakhine, ses voisins ont pris la fuite, raconte Ayesha, dont le prénom a également été modifié.

« Ils sont venus à 8h du matin et ont commencé à incendier les maisons. Les gens fuyaient, mais il fallait que je m’occupe de mon enfant ». Cinq militaires sont entrés chez elle. L’un l’a violé sous le regard des autres. Son mari avait déjà fui à cause des rumeurs sur le fait que les soldats allaient s’emparer des hommes.

Elle ne l’a pas revu mais elle a entendu qu’il avait réussi à gagner le Bangladesh.

Le Quotidien/AFP