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Les plages d’Odessa désertées face aux bombardements et inondations


À proximité de la plage se trouve le port, dont les installations céréalières ont été touchées. (Photo AFP)

Avec son sable blanc, la plage d’Odessa est accueillante par un après-midi ensoleillé. Mais depuis les vagues de bombardements menées par la Russie sur ce grand port de la mer Noire, les vacanciers ont déserté les chaises longues.

« Il y a moins de monde à cause des explosions, des frappes et des missiles », résume Artiom, 15 ans, qui travaille dans un bar au bord de la plage. « Le week-end, il y a généralement plus de monde, mais c’est pire qu’avant. »

Avant la guerre, les plages du Sud de l’Ukraine étaient bondées en haute saison et on y buvait et dansait jusqu’à l’aube. L’Ukraine a depuis miné le littoral, faisant de certaines des zones interdites. Autre catastrophe, en juin, le barrage hydroélectrique de Kakhovka sur le Dniepr s’est effondré, déversant sur la côte eaux usées, mines et animaux noyés.Et il y a deux semaines, la Russie s’est retirée d’un accord qui permettait l’exportation des céréales ukrainiennes, y compris depuis Odessa, qu’elle a bombardé plusieurs nuits d’affilée.

Serguiï Bykanov, 41 ans, tient un bar qui vend des boissons et loue des chaises longues. Ses recettes actuelles ne s’élèvent guère à plus de 20% de celles des étés précédents. Après la rupture du barrage de Kakhovka, pour laquelle Moscou et Kiev se rejettent la responsabilité, « il n’y a eu personne ici pendant deux semaines », dit-il. « Beaucoup de gens ont peur (de venir). C’est à cause de la pollution de l’eau ».

Certains nageurs s’éclaboussent encore joyeusement, mais d’autres préfèrent ne pas prendre de risque.

« Attraper des vers »

« Je ne me baigne pas parce que j’ai lu qu’il y avait beaucoup de mauvaises choses ici », explique Maria, mannequin de 25 ans qui porte un bikini et des perles colorées. « On peut y attraper des vers. J’ai vraiment peur », dit-elle en riant. La plage est « très sale », reconnaît son amie Katerina, 23 ans, qui travaille dans un bar irlandais. « C’est incroyable qu’ils aient ouvert la plage à la baignade, étant donné le risque de mines navales, même s’il y a un filet », ajoute-t-elle.

Un grand nettoyage a été effectué après la rupture du barrage de Kakhovka et la baignade est autorisée sur les plages protégées par des filets. Des panneaux d’information montrent des photos de mines navales et donnent des conseils sur ce qu’il faut faire si l’on en trouve une.

« Je suis ici pour prendre un bain de soleil », explique Katerina. « Je n’ai pas vu mon amie depuis longtemps et nous avons décidé de passer du temps ensemble, comme nous le faisions avant la guerre. »

« Haine et dévastation »

Katerina est revenue vivre à Odessa après avoir passé un temps à Barcelone lorsque la guerre a éclaté. Elle ne regrette pas d’être revenue, malgré les frappes qui ont eu lieu près de chez elle. La cathédrale de la Transfiguration, gravement endommagée dimanche, se trouve à « 500 mètres de chez moi », révèle-t-elle. «  »Mais je ne ressens aucune peur, seulement de la haine et de la dévastation. » À proximité de la plage se trouve le port, dont les installations céréalières ont été touchées.

Artiom, 17 ans, originaire de l’est de l’Ukraine, porte un chapeau imprimé de feuilles de cannabis et dit que c’est la première fois qu’il vient sur la plage d’Odessa. « C’est bien, c’est juste qu’il y a des missiles qui volent par ici », constate-t-il. Ce futur étudiant en droit a fui avec sa famille Bakhmout, ville dévastée par les combats. Il ne sait pas si sa maison est encore debout.

Depuis, il a vécu dans plusieurs villes différentes et n’a pas trouvé le temps pour aller à la plage. « Il faut y aller, parce qu’on peut devenir vraiment fou », dit-il. « On a l’impression que les murs se referment sur nous ».

Le delphinarium resté ouvert

Dans le delphinarium voisin, une soixantaine de parents et d’enfants assistent à un spectacle, applaudissant et filmant avec leur téléphone. Un dauphin colorie le drapeau ukrainien jaune et bleu avec des marqueurs dans la bouche.

Selon le directeur, Volodymyr Mountiane, la salle de 900 places était parfois pleine avant l’invasion. « Malheureusement, le nombre de visiteurs est en baisse », explique cet homme de 52 ans. « En raison du manque de touristes, tout d’abord, et ensuite parce qu’une grande partie des habitants d’Odessa sont partis », ajoute-t-il.

Le delphinarium est resté ouvert pendant toute la durée de la guerre et a accueilli des dauphins provenant d’un autre établissement situé dans l’est de l’Ukraine. Lorsque toutes les plages ont été fermées, les habitants sont venus ici « et ont reçu des émotions positives et de l’énergie », veut croire le directeur.