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Les pays de l’UE évitent de trop faire rêver les réfugiés qu’ils relocalisent


Des réfugiés syriens, qui seront bientôt relocalisés en France, suivent un cours de langue française assuré par l'ambassade dans un hôtel d'Athènes, le 18 octobre. (photo AFP)

« Nous ne souhaitons pas susciter trop d’attentes »: les réfugiés relocalisés de Grèce dans l’UE, comme en France, ont une certaine chance, mais leurs hôtes évitent de leur peindre à l’avance un tableau trop rose de ce qui les attend.

9 heures dans un hôtel d’Athènes : 102 personnes dont 45 enfants, Syriens et Érythréens, élus pour être accueillis en France, arrivent à une « session culturelle » organisée en prélude à leur départ. Ambiance salle de classe, avec bonbons sur les tables. Deux volontaires grecques emmènent les enfants jouer ailleurs.

La séance débute par deux heures de rudiments de français, de « bonjour » à « j’ai très mal à la tête », dispensés par une bénévole de l’Institut français de Grèce, Clelia Seynave. Les participants répètent en choeur, amusés. « C’est bien qu’ils sentent qu’on s’occupe d’eux, qu’ils aient encore plus envie d’aller en France », estime l’enseignante.

Arrive ensuite Lola Girard, l’officier de liaison de l’Office français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII). A charge pour la jeune femme d’expliquer ce qui attend les participants, aidée d’une interprète. Notamment qu’il faudra encore patienter trois à six mois après l’arrivée pour obtenir définitivement le statut de réfugié. « Les autres demandeurs d’asile attendent un an et demi, vous avez une procédure plus rapide », plaide Mme Girard.

« La religion c’est personnel »

Alors que la France tente de répartir cette semaine sur son territoire les milliers de migrants du bidonville de « la Jungle », à Calais (nord), elle explique aux relocalisés qu’ils devront accepter leur hébergement, qu’ils aiment ou pas l’endroit ou les voisins. Elle détaille la devise française. Liberté: « en France on dit que la liberté s’arrête où commence celle des autres ».

Égalité: « c’est dans la loi, on essaie que ça le soit aussi dans la vraie vie ». Puis elle aborde le point sensible de la laïcité: « en France, la religion et l’État sont séparés, l’État c’est public, la religion c’est personnel… mais ça ne veut pas dire qu’il faut la cacher ». Alors que presque toutes les femmes du public portent un foulard, Mme Girard explique ce qui est vestimentairement permis en France.

Ses propos suscitent peu de questions : l’auditoire sait visiblement que la France a des principes en la matière. Enfin, elle met fin au suspense: « vous irez tous dans la région Centre-Val de Loire, et le départ est le 3 novembre ».

Applaudissements, coups d’œil à Google maps sur les smartphones, c’est l’excitation générale. Quatre frères d’Alep et leurs familles, 18 personnes en tout, ont la chance d’être tous relocalisés dans la même petite ville de l’Indre.

Brie de Meaux et Leonard de Vinci

Mme Girard montre en photos la cathédrale de Chartres, un brie de Meaux, un pithiviers, ou un portrait de Léonard de Vinci qui vécut dans la région. Mais pas de Tour Eiffel ni de Champs-Élysées. pour ne pas « susciter trop d’attentes » explique-t-elle.

« C’est bien organisé, et la dame donne une bonne image de la France »: malgré le côté spartiate des annonces, Huda, 23 ans, de Damas, est ravie de sa journée culturelle. Après un long périple dont huit mois d’incertitude en Grèce, elle est simplement soulagée de savoir enfin où va recommencer sa vie.

La France a assuré jusqu’ici près de 40% des relocalisations depuis la Grèce. Le programme est lent à démarrer: des 66.400 demandeurs d’asile en Grèce qu’ils sont censés prendre en deux ans, d’ici septembre 2017, les pays de l’UE n’en sont qu’à 4.846 en treize mois (chiffres de vendredi).

Une accélération est cependant perceptible, et 630 départs sont actés pour novembre, selon l’OIM (Organisation internationale pour les migrations). Ces réfugiés, dont le rêve était d’aller en Allemagne ou en Suède, n’ont pas choisi leur destination. Leurs dossiers ont été proposés directement par les autorités grecques aux pays membres. D’où l’utilité des sessions culturelles pour les accoutumer un peu à leur point de chute.

Mais l’initiation est souvent express et sans fioritures: les autres pays de l’UE s’en tiennent généralement à un document PowerPoint présenté dans les locaux de l’OIM à Athènes, en présence d’un représentant de leur ambassade. Comme le font les Français, « on montre les hébergements, pas des musées, on parle de santé, d’éducation, on est réalistes », résume Christine Nikolaidou, de l’OIM.

Le Quotidien / AFP