Les Libanais ont de nouveau commencé à manifester mercredi à Beyrouth pour exprimer leur ras-le-bol de la classe politique qui, sous la pression de la rue, se réunit pour tenter de trouver une issue à la paralysie de l’Etat.
Déclenché par la « crise des déchets » qui dure depuis près de deux mois, le mouvement de protestation inédit de la société civile avait appelé à deux rassemblements, en matinée et dans l’après-midi, dans le centre de la capitale placé sous haute surveillance. Une poignée de manifestants ont jeté des oeufs sur les convois de responsables politiques en route vers le Parlement. « Voleurs, voleurs, dehors! », ont-ils scandé.
« Nous voulons une patrie » ou « le citoyen d’abord », peut-on lire sur des bannières brandies par les protestataires rassemblés sur la place des Martyrs. « Vous avez échoué dans tout… Rentrez chez vous », proclamaient des ballons accrochés sur les barbelés. Des centaines de policiers se sont déployés autour du Parlement, dont les entrées étaient fermées avec des barrières en métal surmontées de barbelés.
Dans le bâtiment du Parlement, les chefs et représentants des principaux partis politiques ont entamé un « dialogue » à midi autour du blocage politique sévissant depuis plus d’un an entre les deux grands blocs rivaux.
Peu avant cette réunion, le Premier ministre Tammam Salam a déclaré espérer « que les participants parviennent à une sortie de crise ». Il a également convoqué une réunion extraordinaire du Conseil des ministres à 16h pour discuter du problème des déchets.
« C’était un pays…c’est devenu une poubelle! Nous devons tous descendre en masse mercredi pour continuer de mettre pression sur tous les corrompus! » a écrit sur sa page Facebook la campagne « Vous puez », qui a lancé le mouvement. Elle a maintenu la mobilisation malgré la tempête de sable qui rend l’air difficilement respirable depuis lundi au Liban et dans les pays voisins.
« Nous resterons ici jusqu’à la fin de la journée pour réclamer nos droits de l’Etat », a affirmé Samar Mazeh, 23 ans, alors que la mobilisation doit s’intensifier vers 17h, rendez-vous de la deuxième manifestation. Le mouvement de colère a été provoqué par l’accumulation de déchets dans les rues après la fermeture de la principale décharge du pays le 17 juillet.
A plusieurs reprises, des milliers de Libanais de toutes confessions et horizons politiques sont descendus dans la rue à Beyrouth, un fait inédit dans un pays plus habitué aux rassemblements à caractère politique et confessionnel et où la société est très polarisée politiquement. Mais la contestation sociale a rapidement pris des accents politiques dans un pays où le Parlement, en l’absence d’élections législatives depuis 2009, a prorogé son propre mandat à deux reprises et n’est pas parvenu à élire un président de la République même après 28 tentatives. Ce dernier point sera l’un des principaux sujets de discussion de la réunion du « dialogue ».
La scène politique est divisée entre un bloc mené par le Hezbollah chiite libanais –allié du régime syrien et soutenu par l’Iran– et celui de l’ex-Premier ministre sunnite Saad Hariri, appuyé par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite. Leurs divisions ont été exacerbées par la guerre en Syrie voisine.
Le gouvernement actuel, formé il y a 18 mois sous le slogan de « l’entente nationale », réunit ces deux camps qui s’accusent mutuellement d’être à l’origine de la crise actuelle.
Les militants, eux, renvoient dos à dos les deux blocs, leur reprochant de se partager entre eux les ressources du pays, alors que le Liban souffre toujours de pénuries d’électricité et d’eau 25 ans après la fin de la guerre civile. Plusieurs hommes politiques participant au « dialogue » ont d’ores et déjà exprimé leur pessimisme quant à ses résultats.
« Ce gouvernement n’est pas capable de répondre aux demandes des Libanais », a affirmé Sami Gemayel, chef des Kataëb (Phalanges, chrétien), qui fait partie de la coalition menée par M. Hariri. L’agitation au Liban inquiète la communauté internationale. Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a ainsi souligné mardi au téléphone auprès du Premier ministre Tammam Salam « la nécessité pour le Parlement de se réunir pour élire un président le plus tôt possible ».
AFP / S.A.