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Les enjeux du projet britannique d’expulser des migrants au Rwanda


La plus haute juridiction britannique a jugé mi-novembre illégal d'envoyer des migrants au Rwanda, infligeant un sévère camouflet au Premier ministre Rishi Sunak (Photo : AFP)

Le projet très controversé du gouvernement britannique d’expulser au Rwanda des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni est soumis mardi à un vote des députés.

Ce nouveau texte vise à répondre aux objections de la Cour suprême britannique, qui a jugé le projet illégal le 15 novembre, mais divise la majorité conservatrice. Voici son contenu et ses enjeux.

En quoi ce projet consiste-t-il ?

Signé en avril 2022 sous le gouvernement conservateur de Boris Johnson, le « partenariat » avec Kigali prévoit d’expulser vers le Rwanda les migrants arrivés illégalement sur le sol britannique, quelle que soit leur origine.

Mais aucun migrant n’a pour l’heure été expulsé. Les premiers étaient prêts à décoller pour le Rwanda en juin 2022. La Cour européenne des droits de l’Homme est alors intervenue et a suspendu la mise en oeuvre du projet.

Les opposants estiment le projet contraire au droit international et lui reprochent d’être impossible à mettre en oeuvre, immoral, compliqué et dispendieux. Plusieurs recours ont été déposés en justice.

Pourquoi a-t-il été introduit ?

Le gouvernement de Boris Johnson avait à l’époque insisté sur la nécessité de trouver de nouvelles solutions en raison de l’échec du système d’asile britannique à faire face à l’augmentation de l’immigration. Londres mise sur cette solution pour dissuader les migrants qui traversent la Manche à bord de petits bateaux pneumatiques.

Quelque 45.700 personnes ont effectué la traversée en 2022, un record. Depuis début 2023, environ 29.700 personnes sont arrivées au Royaume-Uni à bord de petits bateaux. Le gouvernement de Rishi Sunak a érigé en priorité la lutte contre l’immigration illégale.

L’immigration a été au coeur du débat du référendum sur le Brexit en 2016 et le sera selon toute vraisemblance en vue des élections attendues l’année prochaine, pour lesquelles les travaillistes sont donnés favoris.

Que dit la décision de la Cour suprême?

La plus haute juridiction britannique a jugé mi-novembre illégal d’envoyer des migrants au Rwanda, infligeant un sévère camouflet au Premier ministre Rishi Sunak. La justice a estimé que les migrants étaient exposés à un risque d’expulsion depuis le Rwanda vers leur pays d’origine où ils risqueraient des persécutions, ce qui contrevient à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme sur la torture et les traitements inhumains.

Le gouvernement a cependant réaffirmé sa volonté de poursuivre son projet et a proposé un nouveau texte, soumis mardi au vote.

Que dit le nouveau projet de loi?

Pour répondre aux objections de la Cour suprême, le nouveau texte définit le Rwanda comme un pays tiers sûr et empêche le renvoi des migrants depuis le Rwanda vers leur pays d’origine. Il propose de ne pas appliquer aux expulsions certaines sections de la loi britannique sur les droits humains, afin de limiter les recours en justice.

Mais pour l’aile droite du parti conservateur, cela n’est pas suffisant. Une partie des conservateurs estiment que Londres devrait se retirer de la Convention européenne des droits de l’Homme et autres conventions internationales sur les droits humains, pour empêcher tous les recours légaux d’aboutir.

Selon le ministère de l’Intérieur, 99,5% des recours de migrants échoueront avec le nouveau texte. Le chef de l’opposition travailliste Keir Starmer a qualifié le projet mardi de « gadget coûteux » et a affirmé qu’il reviendrait dessus s’il était élu.