Son statut d’ancien président américain n’y change rien : Donald Trump ne parvient pas à écarter la menace d’une commission parlementaire chargée d’enquêter sur son rôle dans l’assaut mené par ses partisans contre le Capitole.
Au nom de « l’intérêt du public » à comprendre « les événements qui ont mené au 6 janvier », une juge fédérale a autorisé mardi soir le transfert au Congrès de 770 pages de documents liés à ses faits et gestes le jour de l’attaque.
Donald Trump, qui nie toute responsabilité dans le coup de force, avait pourtant invoqué le droit de l’exécutif à garder certaines informations secrètes pour bloquer la divulgation des compte-rendus de ses réunions ou la liste de ses appels téléphoniques. « Les présidents ne sont pas des rois et le plaignant n’est pas président », a rétorqué sèchement la magistrate Tanya Chutkan dans sa décision.
Les avocats du milliardaire républicain ont l’intention de faire appel avant la date butoir de vendredi, fixée pour la transmission des documents au Congrès. « Le président Trump reste déterminé à défendre la Constitution et la fonction présidentielle », a tweeté un de ses porte-paroles, Taylor Budowich.
Mais le jugement représente une victoire importante dans la course contre la montre engagée par la commission spéciale de la Chambre des représentants. Son président, l’élu démocrate Bennie Thompson a d’ailleurs salué une décision qui écarte « une plainte destinée uniquement à retarder et gêner notre enquête ».
« Orbite de Trump »
Composée en grande majorité d’élus démocrates, la commission cherche à publier ses conclusions avant les élections de mi-mandat, dans un an. Les républicains sont en effet bien placés pour reprendre le contrôle de la chambre basse lors de ce scrutin, ce qui leur permettrait d’enterrer ses travaux. Avec cette échéance en tête, la commission avance à marche forcée. Lundi et mardi, elle a lancé de nouvelles salves d’assignations à comparaître contre des proches de l’ancien président, dont son ex porte-parole à la Maison Blanche Kayleigh McEnany ou son conseiller Stephen Miller.
Jusqu’ici les anciens conseillers de Donald Trump n’ont pas répondu aux convocations. Steve Bannon, considéré comme l’un des architectes de sa victoire en 2016, a même « refusé de coopérer », si bien que la commission a initié des poursuites contre lui pour « entrave au travail du Congrès ». Il revient désormais au ministre de la Justice Merrick Garland de décider s’il doit être inculpé formellement. Une telle mesure ne manquera pas d’être critiquée à droite mais pourrait convaincre les témoins réticents de se présenter au Congrès.
Sans attendre, la commission a déjà interrogé plus de 150 personnes, selon Liz Cheney, une des rares élues républicaines très critiques envers Donald Trump qui a accepté de siéger en son sein. Les investigations « ont déjà fait émerger une image plus large et plus nette de ceux qui, dans le gouvernement et l’orbite de Trump, ont participé à la planification des émeutes du 6 janvier », estime David Greenberg, professeur d’Histoire à l’université Rutgers dans le New Jersey. Pour lui, l’impact politique de l’enquête est, à ce stade, impossible à deviner, mais les enjeux sont ailleurs. « C’est impossible de dire ce qui va arriver à Donald Trump », dit-il. « Apprendre ce qui s’est véritablement passé est l’essentiel. »
Jugé pour incitation
Le 6 janvier, des milliers de partisans de Donald Trump s’étaient réunis à Washington au moment où le Congrès certifiait la victoire de son rival démocrate Joe Biden à la présidentielle de novembre 2020. L’ancien magnat de l’immobilier s’était adressé à la foule, martelant, sans fondement, que l’élection lui avait été « volée ». Plusieurs centaines de manifestants s’étaient alors lancés à l’assaut du temple de la démocratie américaine, semant le chaos et la violence jusque dans l’hémicycle. Les images avaient choqué le monde entier et, dans un premier temps, les élus des deux partis avaient fermement condamné cet assaut.
Mais, l’ancien président, toujours très populaire au sein d’une partie de la population, a vite réaffirmé son emprise sur le parti, ce qui lui a permis d’être acquitté en février à l’issue d’un procès au Congrès pour « incitation à l’insurrection ».
Les auditions menées par différentes commissions parlementaires s’étaient ensuite concentrées sur les failles des services du renseignement et de la police.
LQ/AFP