Le groupe Etat islamique (EI) a subi une série de défaites ces derniers mois en Syrie et en Irak dont la dernière en date dimanche à Ramadi mais cette organisation jihadiste est encore loin d’être vaincue, estiment des experts.
Au printemps, l’EI avait pris le contrôle de Ramadi, chef-lieu de la vaste province sunnite d’Al-Anbar, dans l’ouest de l’Irak, infligeant une cinglante défaite à l’armée irakienne. Les jihadistes avaient également conquis Palmyre, cité syrienne antique mondialement connue, prouvant alors leur capacité à étendre leur «califat» autoproclamé entre l’Irak et la Syrie.
Mais récemment les jihadistes ont cédé du terrain, perdant les villes irakiennes de Baiji, Sinjar puis de Ramadi dimanche. En Syrie, l’EI a aussi perdu fin décembre le contrôle du barrage de Tichrine (nord) face à une coalition militaire arabo-kurde qui l’a ainsi privé d’une source de revenus stratégique.
Crédibilité entamée
«Pour l’EI qui se revendique comme un Etat, contrôler des centre-villes et des infrastructures clés est important mais (les récentes) défaites entament la crédibilité de cette revendication», estime Firas Abi Ali, analyste à l’institut IHS Jane’s spécialisé dans les questions de défense et basé à Londres.
Mais la reconquête de Ramadi par les forces irakiennes est davantage une victoire symbolique, tempèrent toutefois des experts.
«L’EI est toujours capable de lancer des attaques à travers l’Irak sans Ramadi, une ville plus importante pour les forces de sécurité irakiennes que pour l’EI», estime Patrick Martin, analyste à l’Institute for the Study of War basé à Washington.
Les jihadistes ont réussi à évacuer un grand nombre de véhicules et d’armes avant le début de la bataille de Ramadi, a indiqué un haut gradé des forces d’élite antiterroristes qui furent en première ligne pour la reprise de la ville.
Gagner des batailles, même si elles sont d’un intérêt stratégique mineur, demeure cependant important pour le moral des troupes qui luttent contre l’EI, souligne Patrick Skinner du cabinet de consultants Soufan Group spécialisé dans le renseignement.
« Moins triomphant »
Selon lui, le dernier message audio du chef autoproclamé de l’EI Abou Bakr al-Baghdadi la semaine dernière était «moins triomphant» que les précédents. Même constat pour M. Abi Ali qui voit dans les menaces proférées contre Israël «le signe que l’Etat islamique est en crise».
«La popularité de la rhétorique antisioniste dans la région pousse les dictateurs à penser qu’elle est une garantie de soutien des foules. Ils l’utilisent pour détourner (leur population) des autres problèmes», analyse-t-il. Au delà de la comptabilisation des points gagnés ou perdus par chacune des parties, de nombreux experts se sont penchés sur la nouvelle équation militaire qui a conduit aux récentes victoires contre l’EI.
A Sinjar, des factions rivales kurdes, appuyées par les frappes de la coalition internationale anti-EI conduite par les Etats-Unis, ont bouté les jihadistes hors de la ville. Dans le nord de la Syrie, ce sont aussi des combattants kurdes, qui ont été les fers de lance de la lutte contre l’EI.
La reprise de Ramadi a elle été menée par les seules forces fédérales irakiennes, sans l’implication des groupes paramilitaires chiites qui avaient jusqu’à présent joué un rôle central dans la guerre contre l’EI. «Le fait de restaurer la capacité des forces irakiennes est très important et pourrait devenir un modèle pour les offensives à venir», souligne M. Abi Ali.
«La reprise méthodique de Ramadi, avec la couverture aérienne de la coalition limitant les mouvements de l’EI (…) dans les quartiers urbains, a prouvé son efficacité. Une méthode qui pourrait à nouveau être utilisée à Fallouja», bastion jihadiste situé entre Ramadi et Bagdad, analyse M. Skinner.
Le Premier ministre irakien Haider Al-Abadi s’est engagé lundi à libérer son pays de l’EI en 2016. Pour M. Abi Ali, les forces kurdes syriennes rencontreront plus de difficultés dans leur avancée vers Raqa, capitale de facto des jihadistes en Syrie.
Si les défaites se multiplient en Syrie et en Irak, l’EI pourrait voir dans la Libye une terre de repli. L’organisation y contrôle déjà la ville de Syrte, à 450 km à l’est de Tripoli. De plus, rappelle M. Abi Ali, «les idéologies du jihad et de l’islam politique se portent bien. Il est trop tôt pour annoncer la mort de l’Etat islamique (…)».
AFP/M.R.