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Législatives en Espagne : la bataille des gauches fait rage dans une Andalousie sinistrée


L'achitecte Matias Yunes (au centre) avec ses amis Indra Ruiz et Jose Luis Lozano, à Jerez de la Fontera. (photo AFP)

Au cœur de la touristique Andalousie, Cristian Garcia tue l’ennui avec ses amis, chômeurs comme lui, en trainant sur un banc. Aux législatives de dimanche en Espagne, il votera Podemos, qui menace de détrôner le Parti socialiste espagnol dans son propre fief.

À 25 kilomètres de là, Rafael Rivera, vend des boissons et des friandises sur la plage et boucle difficilement ses fins de mois, avec ses deux enfants, son épouse et sa belle-mère à charge. Mais il fait encore confiance aux socialistes.

En Andalousie, région la plus peuplée d’Espagne et aussi la plus touchée par le chômage, celui-ci atteignant par endroits 40% de la population active, le vote des plus défavorisés va jouer un rôle clé dans la bataille qui fait rage entre le Parti socialiste (PSOE) et Podemos pour devenir le leader de la gauche espagnole.

A en croire les sondages, le PSOE pourrait être relégué dimanche pour la première fois de son histoire récente à la troisième place, dépassé par Unidos Podemos, alliance du parti opposé aux mesures d’austérité Podemos et d’Izquierda Unida, formation héritière du Parti communiste. Les conservateurs du Parti populaire (PP) sont donnés en tête.

Rafael Rivera, vendeur de friandises à Jerez de la Frontera :

Rafael Rivera, vendeur de friandises à Jerez de la Frontera, boucle difficilement ses fins de mois. (photo AFP)

Un changement

« Il faut un changement », explique Cristian Garcia, entouré de deux amis sur un banc de la Plaza de Arenal à Jerez de la Frontera. Aucun de ces trois jeunes en bermuda, tee-shirt et chaussures de sport n’a d’emploi.

Dans sa ville, connue pour son vin de Xérès, ses élevages de chevaux et son flamenco, « il n’y a pas de travail. Et si on en trouve, c’est précaire et on gagne peu », se désole Cristian 19 ans. Les socialistes au pouvoir dans cette région méridionale « n’ont rien fait et ils dépensent l’argent pour des bêtises », dit-il en désignant une plaque commémorative sur la place.

Matias Yunes votera aussi pour Unidos Podemos. Architecte sorti de l’université il y a trois ans, il n’a trouvé depuis que des emplois temporaires, loin de Jerez, qui connaît un des taux de chômage les plus élevés d’Espagne, 39,4% en 2015, soit près du double de la moyenne nationale. « Nous voulons tous un changement fondamental, un changement nécessaire dans le système », clame le jeune homme de 28 ans. Beaucoup de ses amis ont quitté cette ville pour trouver du travail ailleurs. D’autres vivent toujours chez leurs parents. « Ca te démotive », souligne-t-il.

Fidélité socialiste

Sur le trottoir d’en face, José Antonio Fernandez, 72 ans, sera comme d’habitude fidèle aux socialistes, dont l’Andalousie est le bastion depuis des décennies. « Je sais qu’ils peuvent se tromper et qu’ils ont volé, mais tout le monde le fait », affirme cet ouvrier agricole à la retraite.

Le Parti populaire de Mariano Rajoy est impliqué dans bien des affaires de corruption, selon la justice. Mais les socialistes aussi. Le PSOE andalou est d’ailleurs mis en cause dans une vaste affaire de détournement d’aides publiques destinées aux travailleurs et aux entreprises affectés par des plans sociaux.

A Sanlucar de Barrameda, à 25 kilomètres de Jerez, Rafael Rivera, le vendeur ambulant de friandises, 36 ans, préfère aussi rester fidèle aux socialistes, au nom de leur histoire.

« J’ai toujours été pour la défense de l’ouvrier espagnol », dit-il, mettant en exergue les avancées sociales des gouvernements du PSOE. « Je n’ai pas confiance en Podemos », poursuit-il, évoquant ses liens avec les chavistes au pouvoir au Venezuela.

Conscients de l’importance de l’Andalousie, la région envoyant le plus de députés à la chambre basse (61 sur 350), les partis y ont activement défendu leurs programmes électoraux.

Jeudi, pour l’avant-dernier jour de la campagne, le chef de Podemos Pablo Iglesias a d’ailleurs fait une halte à Jerez de la Frontera. « Je suis convaincu que les gens sont conscients de vivre un moment historique, et cela leur donne de l’espoir », affirme Juan Antonio Delgado, élu député pour Podemos aux législatives de décembre 2015 et certain que son parti fera mieux cette fois-ci.

« Il ne faut pas vendre la peau du socialiste avant de l’avoir tué », a toutefois prévenu de son côté la présidente socialiste de la région, Susana Diaz.

Le Quotidien / AFP