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Législatives en Algérie : le régime en quête d’une nouvelle légitimité


Il faut aussi compter avec la mouvance islamiste légaliste, ici le MSP, qui a décidé de prendre part au scrutin afin de "contribuer au changement souhaité". (photo AFP)

Les Algériens se rendent aux urnes samedi pour des élections législatives anticipées censées apporter une nouvelle légitimité au régime, mais rejetées par le mouvement contestataire du Hirak et une partie de l’opposition, sur fond de répression croissante.

Le principal enjeu est à nouveau la participation après les précédentes consultations électorales (présidentielle de 2019 et référendum constitutionnel de 2020), marquées par une abstention historique (60% et 76% respectivement).
Deux fiascos pour un pouvoir déterminé à appliquer sa « feuille de route » électoraliste, en ignorant les revendications de la rue (Etat de droit, transition démocratique, justice indépendante).

« Le pouvoir a besoin de se renouveler, en tout cas de donner l’illusion d’un renouvellement, et de renouveler sa légitimité par des élections », souligne Amel Boubekeur, sociologue à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris. A l’issue d’une campagne électorale sans public pour cause d’épidémie, les partis progouvernementaux et les médias officiels ont appelé « à participer en force à ce scrutin crucial pour la stabilité du pays ».

Islamistes à l’affût

Mais le régime s’accommode, par avance, d’une éventuelle forte abstention, tout en espérant un taux de participation entre 40% et 50%. Quelque 24 millions d’Algériens sont appelés à élire les 407 députés de l’Assemblée populaire nationale (APN, chambre basse du Parlement) pour un mandat de cinq ans. Ils doivent choisir parmi près de 1 500 listes – dont plus de la moitié s’affichent comme « indépendantes » -, soit plus de 13 000 candidats.

C’est la première fois qu’un nombre aussi élevé d’indépendants se présentent face à des prétendants endossés par des partis politiques, largement discrédités et jugés responsables de la crise politique et socio-économique qui ébranle l’Algérie depuis 30 mois. Ces nouveaux venus, à l’affiliation floue, pourraient s’imposer comme une nouvelle force avec l’aval du pouvoir, qui a fait appel aux « jeunes » et encouragé leurs candidatures. D’autant que l’opposition laïque et de gauche, en perte de vitesse, a soit appelé ses partisans à boycotter le scrutin soit leur a laissé le choix d’y participer ou non.

Quant aux vainqueurs des dernières législatives (2017), le Front de libération national (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND), – partenaires au sein d’une Alliance présidentielle ayant soutenu l’ex-président déchu Abdelaziz Bouteflika -, ils sont aujourd’hui déconsidérés. « Fin de la mainmise du duo FLN-RND » sur l’APN ? », s’interrogeait mercredi le quotidien francophone El Watan.

Il faut aussi compter avec la mouvance islamiste légaliste qui a décidé de prendre part au scrutin afin de « contribuer au changement souhaité ». Abderrazak Makri, le président du Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), proche des Frères musulmans, s’est dit « prêt à gouverner » en cas de victoire.

Certains analystes prédisent une majorité relative pour les partis islamistes modérés dans la nouvelle assemblée. Le président Abdelmadjid Tebboune semble prêt à composer : « Cet islam politique-là ne me gêne pas parce qu’il n’est pas au-dessus des lois de la République », a-t-il confié à l’hebdomadaire français Le Point.

Mise en garde contre le Hirak

En revanche, les autorités redoutent une nouvelle désaffection de l’électorat en Kabylie, région berbérophone traditionnellement frondeuse, où la participation a été quasi nulle en 2019 et 2020.  De fait, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et le Front des forces socialistes (FFS), les deux partis les mieux implantés en Kabylie, ne participeront pas aux scrutin.

A l’approche de l’échéance électorale, le chef d’état-major de l’armée, le général Saïd Chengriha, a mis en garde contre « tout plan ou action visant à perturber le déroulement » du vote. Vitrine civile de l’institution militaire, le gouvernement s’est efforcé ces derniers mois de briser le mouvement de contestation. Il a de facto interdit les marches du Hirak et multiplié les interpellations et les poursuites judiciaires visant opposants politiques, militants hirakistes, journalistes indépendants et avocats.

Considérant qu’il a déjà répondu aux demandes du « Hirak béni », il dénie désormais toute légitimité à ce mouvement inédit, pacifique et sans véritable leadership, qu’il accuse d’être instrumentalisé par des « parties étrangères ». Au moins 214 personnes sont actuellement incarcérées pour des faits en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).

Né en février 2019 du rejet massif d’un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, le Hirak réclame un changement radical du « système » politique en place depuis l’indépendance (1962). Jusqu’à présent en vain.

LQ/AFP