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Le virus Zika, une menace pour les bébés d’Amérique latine


Fumigation contre le moustique Aedes Aegypti dans un cimetière de Tegucigalpa pour lutter contre le virus Zika, le 21 janvier 2016 au Honduras. (Photo : AFP)

Une simple piqûre de moustique et, quelques mois plus tard, un bébé qui naît avec une boîte crânienne anormalement petite : en Amérique latine, le virus Zika commence à semer la panique, avec déjà des milliers de nourrissons touchés.

Il y a trois mois, quand les premières informations sur un lien entre ce virus et la microcéphalie, une anomalie congénitale rare, ont paru au Brésil, Jacinta Silva Goes venait d’apprendre qu’elle attendait son troisième enfant. «J’ai très peur», confie cette employée domestique de Sao Paulo, qui ne sait pas comment se protéger face au moustique tigre, vecteur du virus.

«Pour l’instant je n’utilise pas d’anti-moustiques car le médecin ne m’a rien dit, il ne m’a pas parlé du virus Zika. Tant qu’il ne me dit pas quoi faire, je ne peux rien décider par moi-même car ça peut être dangereux pour le bébé», ajoute la femme de 39 ans.

Très demandés, les produits anti-moustiques ont vu leur prix flamber ces dernières semaines au Brésil. Dans la région, les craintes face au virus ont entraîné la fumigation du plus grand cimetière de Lima mais aussi des recommandations inédites de la part des gouvernements colombien et salvadorien : ne pas tomber enceinte.

Le vice-ministre salvadorien de la Santé Eduardo Espinoza a ainsi «suggéré» jeudi aux femmes en âge de procréer de «planifier leurs grossesses et de les éviter cette année et la prochaine». Près de 4 000 cas ont d’infection au virus ont été recensés en 2015, mais déjà 1 561 pour ce qui s’est écoulé de janvier, dont 605 dans la capitale San Salvador, selon M. Espinoza.

L’infection en elle-même semble inoffensive : non contagieuse, elle se manifeste par des symptômes grippaux (fièvre, maux de tête, courbatures) avec des éruptions cutanées, trois à douze jours après la piqûre par le moustique. Dans 80% des cas, la maladie, très rarement mortelle, passe inaperçue.

Brésil, pays le plus touché

Le danger est pour les femmes enceintes et leur bébé. Après des mois de spéculations, des scientifiques brésiliens ont confirmé cette semaine que le virus se transmet de mère à enfant via le placenta.

Arrivé l’an dernier sur le continent, le Zika s’est propagé à très grande vitesse dans la région où le moustique tigre, qui transmet aussi la dengue et le chikungunya, est omniprésent, indique Sylvain Aldighieri, chef du département des maladies transmissibles de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS).

Selon l’OPS, 18 pays d’Amérique latine et des Caraïbes ont confirmé la présence du virus sur leur territoire. Le plus touché est le Brésil, qui ne communique pas le nombre de personnes infectées mais les cas de microcéphalie qui pourraient être liés.

Car étrangement, pendant que le virus s’étendait, les cas de microcéphalie se sont multipliés : pour l’instant, il n’existe aucune preuve scientifique du lien entre les deux, mais les spécialistes s’alarment face au nombre de cas suspects de cette malformation congénitale, néfaste au développement intellectuel.

Il sont près de 3 900 au Brésil, contre 1 248 en novembre dernier, et seulement 147 sur toute l’année 2014. Le virus frappe en Colombie, avec 13 500 personnes touchées (et une centaine de cas de microcéphalie), au Salvador (5.561 malades) et au Honduras (608). Quelques dizaines de cas ont été recensés dans les autres pays.

Les scientifiques étudient également un possible lien entre le Zika et le syndrome de Guillain-Barré, qui entraîne une paralysie pouvant être irréversible.

Voyages déconseillés

L’inquiétude atteint les Etats-Unis, qui recommandent aux femmes enceintes d’éviter de se rendre dans 14 pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Une mauvaise nouvelle pour le secteur touristique, à deux semaines du carnaval et quelques mois des Jeux olympiques du Brésil, pays en récession qui compte sur l’arrivée massive de visiteurs pour doper ses recettes.

A Paris, Emilie Goldman a choisi, par prudence, d’annuler son voyage à Bahia (nord-est du Brésil). Son premier enfant doit naître en avril. «En France on ne parlait pas de ça», raconte cette femme de 33 ans. «Mais j’ai commencé à parler avec certains médecins pour savoir les répercussions et je me suis rendue compte que, pour une semaine de vacances, ça ne vallait pas la peine de prendre tant de risques».

Si le gouvernement colombien conseille d’éviter toute grossesse dans les six prochains mois, il se veut aussi rassurant. «Le lien entre microcéphalie, Guillain-Barré et le virus Zika n’est encore qu’une suspicion, et non une certitude, il n’y a pas d’études en profondeur à ce sujet», a expliqué le vice-ministre de la Santé, Fernando Ruiz.

Mais le pays prévoit déjà plus de 600 000 cas du virus pour 2016.

AFP/M.R.