Onze morts, des communes sinistrées, des cultures dévastées : l’Émilie-Romagne, riche région considérée comme « le verger de l’Italie », constate jeudi les dégâts considérables provoquées par des inondations d’une rare intensité, signes selon les autorités de la « tropicalisation » du climat méditerranéen.
Une vingtaine de cours d’eau ont quitté leur lit dans les plaines de cette région de 4,5 millions d’habitants prisée des touristes pour ses cités historiques comme Parme et Ravenne, ses paysages verdoyants, sa gastronomie et son littoral adriatique.
L’Italie connaît un mois de mai particulièrement pluvieux et frais mais c’est un véritable déluge qui s’est abattu sur l’Émilie-Romagne au cours des derniers jours : d’immenses superficies agricoles ont été noyées sous les eaux, ravageant champs de céréales, maraîchages, fourrage pour le bétail, des villages entiers ont été lavés par les crues boueuses, des ponts se sont effondrés et 400 routes se sont affaissées, des glissements de terrain ont creusé le relief.
Localement, il est tombé en quelques heures l’équivalent de six mois de précipitations. Les dégâts se compteraient en milliards d’euros, auxquels s’ajoutent deux milliards estimés après les inondations ayant déjà frappé la région au début du mois. La seule filière fruitière pèse 1,2 milliard d’euros, selon la confédération agricole Coldiretti.
« Cinq mille exploitations agricoles ont fini sous l’eau : des serres, des pépinières, des étables dont les bêtes sont noyées, des dizaines de milliers d’hectares inondés de vigne, de kiwis, de poires, de pommes, de légumes et de céréales », a détaillé l’organisation ce jeudi.
Mur d’eau
Onze personnes ont trouvé la mort dans les intempéries et plus de 10 000 habitants ont dû quitter leur domicile. Parmi les victimes figure un couple emporté par un mur d’eau alors qu’il inspectait ses prairies. Le corps de la femme sexagénaire a été retrouvé à 20 kilomètres de là, sur une plage, selon les médias.
La pluie s’est arrêtée en milieu d’après-midi mercredi et les météorologues ne prévoient pas de précipitations significatives jeudi. Le maire de Ravenne, Michele De Pascale, a indiqué jeudi que si les habitants de certaines localités évacuées pouvaient retourner chez eux, d’autres devaient évacuer, des digues et berges de certains cours d’eau menaçant de rompre.
Stefano Bonaccini, président de la région d’Émilie-Romagne, a comparé jeudi l’amplitude et les conséquences de la catastrophe au séisme qui a frappé la région le 20 mai 2012 et qui avait fait plus de 10 milliards d’euros de dégâts matériels.
Les forces armées italiennes et les garde-côtes se sont joints à l’effort d’urgence, déployant hélicoptères et bateaux pneumatiques pour atteindre les habitations cernées par les eaux. Au total, 26 000 personnes restaient sans électricité jeudi.
« Tropicalisation »
Là où les eaux refluaient, les habitants s’employaient à nettoyer maisons et rues recouvertes de boue et jonchées de débris. « Je vis ici depuis 1979, j’ai vu passer des inondations, mais je n’ai jamais rien vu de tel », a témoigné mercredi Edoardo Amadori, un habitant de la ville de Cesena.
Pour les autorités et les experts, ces calamités exceptionnelles vont devenir la norme. « Rien ne sera plus comme avant car ce processus de tropicalisation qui monte de l’Afrique touche aussi l’Italie », a averti mercredi le ministre de la Protection civile, Nello Musumeci.
Paradoxalement, ces trombes d’eau frappent un pays chroniquement touché par la sécheresse. Pour autant, elles ne permettront pas de résorber le déficit hydrique lié à la raréfaction de la neige en montagne et des précipitations moyennes, préviennent les spécialistes.
Ces inondations ont entraîné l’annulation du Grand Prix de Formule 1 d’Émilie-Romagne prévu dimanche à Imola, en raison de la montée inquiétante du niveau d’un cours d’eau proche du paddock. Aux abords du circuit, Frans Wijnen, venu des Pays-Bas pour voir courir le double champion du monde Max Verstappen, estimait jeudi que le report de l’épreuve était inévitable.
« Je respecte la décision de l’organisation et des autorités locales. Des gens ont perdu la vie près d’ici et le nombre de victimes continue de monter », expliquait ce Néerlandais coiffé d’une casquette orange portant des écussons aux couleurs de son pays et de l’Italie.